Après une décennie couronnée de succès et un retour aux affaires réussi, les Allemands de Kreator sont un peu à la croisée des chemins. L'euphorie du retour au thrash avec "Violent Revolution" en 2001 est retombée alors que "Hordes Of Chaos", sorti en 2009, était trop brouillon voulant ridiculement sonner brutal à l'extrême. De fait, Petrozza et ses hommes sont à un peu au pied du mur : le groupe approche des 30 ans de carrière et il ne peut plus se permettre de se manquer au risque de passer pour une formation dépassée. "Phantom Antichrist" était donc très attendu d'autant plus que le thrash n'a jamais aussi été en forme, que ça soit avec les jeunes formations, Evile ou Municipal Waste en tête, ou avec les grands anciens comme Overkill, Testament ou Death Angel.
Cette concurrence, et les doutes entourant "Hordes Of Chaos", semblent avoir boosté Kreator qui, pour ce 13ème album, se réveille enfin de sa torpeur. Le groupe a enfin osé modifier sa formule, revenant à des choses plus mélodiques et abordables, nous renvoyant un peu à l'époque du décrié "Endorama", et saupoudrant son thrash originel d'une pincée de death mélodique, pas si loin d'un Arch Enemy. Le résultat est brillant : en 9 titres et 46 minutes Kreator remet les choses en place et repart à la conquête de son trône. Certains puristes du thrash risquent de hurler, mais la qualité des chansons fait oublier ce genre de critiques très rapidement.
Il y a de tout au programme de ce disque très varié, sans temps morts ni remplissages. On y retrouve bien evidemment du thrash qui déboite avec "Phantom Antichrist", "Civilisation Collapse" et "Death To The World", titres redoutables parfaitement interprétés et idéaux pour se déboiter le cou lors des concerts. Petrozza hurle comme si sa vie en dépendait sur chaque refrain tandis que ses compères balancent riffs et soli redoutables de puissance, sans jamais tomber dans le côté bruitiste récent, avec cette petite touche mélodique qui fait la différence.
Cohabitent avec ces titres des chansons plus recherchées. "From Flood Into Fire" surprend avec son introduction mélodique que ne renierait pas la scène de Göteborg, son refrain accrocheur et épique et surtout un break chanté en clair et acoustique qui lui donne une belle force émotionnelle. Avec "Your Heaven, My Hell", Kreator s'amuse à retrouver en grande partie le son de "Outcast" et de "Endorama" avec cette superbe première partie en chant clair très mélodique. Le combo lâche les chevaux dans la deuxième partie mais garde cette force émotionnelle et mélodique qui fait la différence. "Until Our Paths Cross Again" conclut l'album en beauté avec un ton plus recherché qui renvoie à la fois au son des années 90 et à la recherche musicale d'un Iron Maiden, laissant une grande place aux mélodies de guitare et mettant à l'honneur un superbe refrain. Enfin on a du très bon avec "United In Hate" et "The Few, The Proud, The Broken" qui mélangent parfaitement les deux facettes mélodiques et thrash. La première par une introduction douce et prenante, la seconde par des breaks apaisants et des passages de guitares plus heavy mélodique que thrash, les deux titres gardant de plus des passages ultras violents ne faisant pas de quartiers.
Véritable concentré de puissance utilisée intelligemment et de mélodies particulièrement mises à l'honneur, "Phantom Antichrist" est un grand disque qui se place au panthéon du genre. En sachant utiliser à son avantage les aspects mélodiques de ses compositions, Kreator frappe un grand coup, revient au sommet de son art et reprend une grande longueur d'avance dans ce thrash mélodique qu'il maitrise si bien.