Grâce, ou à cause, c'est selon, du téléchargement illégal, nombre de groupes se retrouvent dans une situation aussi inédite que paradoxale qui les voit ne presque plus vendre d'albums alors que leur musique n'a jamais été autant entendue, n'a jamais autant circulée. Prenons l'exemple de Process Of Guilt. Soyez-en sûr, les Portugais n'ont sûrement pas écoulé des palettes entières de leurs deux premières enclumes (Renounce en 2006, puis Erosion, trois ans plus tard). Pourtant, ils bénéficient grâce à ceux-ci d'une réputation grandissante au sein d'une scène Sludge-Doom surpeuplée. Le plus important est-il de se remplir les fouilles ou de voir son art échappé à l'anonymat ?
Tout ça pour dire que Process Of Guilt s'est donc fait un nom à la manière d'aujourd'hui, donc très différente de celle en vigueur il y a vingt ans, ce qui est amplement mérité eu égard à la qualité de ses créations. Avec FÆMIN, il enfonce même encore davantage le clou, accouchant d'un Golem terrassant dont les pieds n'ont pas la fragilité de l'argile, bien au contraire. En cinq derelicts viciés, les Portugais déroulent leur incontestable maîtrise du riff pachydermique, de l'atmosphère mortifère, sans rien inventer peut-être, mais avec cette profondeur tellurique qui leur permet d'être supérieures au tout venant.
Chant rugueux et rageur, rouleaux rythmiques d'une puissance à arracher la tapisserie, et socle lourd comme un porte-avions, définissent un Sludge-Doom charbonneux d'une noirceur désolée. Dès "Empire", c'est une chape de plomb qui vous tombe sur la gueule en même temps qu'une nuit noire qui se prolongera longtemps encore après les ultimes mesures de "Faemin" achevées. Process Of Guilt creuse d'infernales excavations, rencontrant parfois une forme de beauté, triste bien entendu, comme ce "Cleanse" suspendu au-dessus d'un cratère sans fin.
S'enchaînant les uns aux autres, ces titres, d'une durée toujours conséquente, qui offre à leurs géniteurs tout le loisirs de sculpter des instants pétrifiés ("Blindfold") comme ils en ont le secret, dressent un seul bloc massif, compact, suffocant dont on ne se libère pas indemne. Comment pourrait-il en être autrement d'ailleurs ? La seconde partie du morceau éponyme et surtout terminal qui s'enfonce peu à peu dans les arcanes de la terre jusqu'à sa définitive conclusion sous les coups de boutoir de guitares prisonnières d'une gangue de désespoir, illustre cet état de fait.
FÆMIN est un monstre organique qui, sans redéfinir les codes du genre, l'honore avec brio et une énergie souterraine. Une découverte pour certains et une confirmation pour les autres.