Electric Moon maintient un tel rythme créatif, enchaînant les disques (11 au total au moment où sont écrites ces quelques lignes !) comme au bon vieux temps des années 70, qu'on a l'impression qu'il est là depuis toujours alors qu'il n'a vu le jour qu'en 2010 ! Malgré les apparences, The Doomsday Machine n'est en réalité que la seconde offrande (très) longue durée gravée par les Allemands, Inferno tenant plus de la jam que de la production réfléchie. Toujours pas remis de l'onde de choc libérée par Lunatics, assurément un des disques qui aura le plus tourné sur la platine de votre serviteur depuis ses premiers émois musicaux il y a 25 ans, il va sans dire que les inconditionnels de plus en plus nombreux vouant un culte à Sula Bassana, le principal instigateur du projet, attendaient ce véritable nouvel album comme le messie.
A l'instar de son aîné, The Doomsday Machine voit les choses en grand : 80 minutes pour cinq morceaux seulement ! En sachant que l'un d'entre eux, "Kleiner Knaller" ne dépasse que de peu les 5 minutes, vous aurez vite calculé la moyenne des quatre autres ! On tient d'ailleurs là une des particularités du trio, soit c'est faculté à pondre des pavés qui réussissent l'exploit de ne jamais apparaitre comme des blocs où la 'chiantise' est en maraude au détour d'un angle.
Ceci dit, et nonobstant le fait que le groupe ouvre les vannes d'un Space Rock psyché qui n'appartient toujours qu'à lui, l'album surprend tout d'abord, surtout son titre éponyme d'ailleurs où l'on n'attendait pas le chant de Komet Lulu, réduit sur Lunatics à l'anecdotique "Hotel Hell", du moins pas aussi mis en avant, même si les lignes scandées par la bassiste (et graphiste !) restent toujours noyées sous les effets et la réverb'. Du coup, tout en reconnaissant à Electric Moon l'intelligence d'avoir su éviter la simple redite, option O combien confortable que beaucoup, à sa place, auraient adopter, la déception n'est pas loin alors de nous guetter car nous ne pouvons nous empêcher de le préférer en mode 100% instrumental.
Bien qu'encore présent, le chant se fait plus discret sur le bien nommé "Spaceman" où l'on retrouve la puissance hypnotique dont sont capables ses auteurs. Emporté par un tempo aussi répétitif que rapide, ce titre navigue dans des effluves (forcément) cosmiques des plus jouissives. Puis, The Doomsday Machine amorce son apogée avec l'imposante doublette "Stardust Service"/"Feigenmonolog", soit plus de 40 minutes à elle seule ! Frau Komet pose toujours sa voix monocorde dont on n'imagine pourtant pas la voir remplacée par une autre, tant elle se fond à merveille dans ce magma nébuleux duquel jaillit la guitare hallucinogène de Sula Bassana. La basse est ronde, énorme, et la batterie, assurée par Pablo Carneval (sauf sur "Doomsday Machine" où c'est Alex, qui tient les baguettes), se charge de coller le groove nécessaire.
Seul titre à être entièrement instrumental, avec "Kleiner Knaller", "Feigenmonolog" est aussi donc le meilleur (ceci expliquant sans doute cela) car s'y déploie le Electric Moon que l'on chérit le plus, celui où le guitariste avale l'espace avec sa six-cordes spatiale, fil conducteur, même si les deux autres musiciens ne sont jamais en reste, bien au contraire, d'une trame entêtante que colorent des sons délicieusement psychés.
Inférieur à Lunatics, dont il ne retrouve pas tout à fait la démentielle inspiration, The Doomsday Machine montre en revanche un groupe qui travaille son art, explore des pistes, quitte à ce que celles-ci ne soient pas totalement convaincantes, comme c'est le cas de ce chant féminin qui, paradoxalement, se justifie car sans lequel ces titres sembleraient peut-être déséquilibrés. Quoiqu'il arrive, les Allemands demeurent très largement au-dessus de la mêlée. Haut la main.