Revenir sur l'acte de naissance discographique d'un groupe est souvent l'occasion de se pencher sur la genèse de ce dernier. Dont acte. C'est en 1984 que l'inoxydable Jeff Waters fonde Annihilator, à Ottawa au Canada où le Heavy Metal a alors le vent en poupe, grâce aux éternels Poulidor du genre que sont Anvil ou Helix. Autour de son charismatique leader, la formation connaît déjà un line-up instable, ce qui restera une constante durant toute sa carrière. Ainsi, ce ne sont pas moins de trois chanteurs, dont Waters, qui se succèdent jusqu'à l'accouchement de Alice In Hell. Roadrunner, qui n'avait alors pas encore perdu son intégrité, flaire le potentiel des Canadiens auteurs de trois démos cultes, Welcome To Your Death, Phantasmagoria et enfin Alison Hell, dont la majorité des titres formeront le canevas de leurs premiers albums, les signe enfin, après ces années de gestation.
Sorti le 5 septembre 1989, ce galop d'essai fait alors l'effet d'une bombe et demeure encore aujourd'hui, avec son successeur, Never, Neverland, l'œuvre préférée des fans. Il pose les base de la signature Annihilator, plus mélodique que ce que le nom du groupe pourrait laisser imaginer, faite de voix haut perchées et de riffs saignants, ceux du maître Jeff Waters avec lequel le groupe va peu à peu se confondre.
Surfant sur le succès du Thrash et du Speed-Metal, le disque, produit par le guitariste lui-même, enfile les brûlots comme d'autres les perles. Il écarte les cuisses sur un court et superbe instrumental tout en arpèges ("Crystal Ann") avant que ne déboule le sombre "Alison Hell", chef-d'œuvre du genre avec ses breaks furieux, son refrain indélébile et les attaques de Waters. Si la suite ne se révèle pas aussi marquante, encore que "Word Salad" et surtout "W.T.Y.D." n'ont (presque) pas à rougir de la comparaison, les sept autres morceaux envoient la purée sans aucune baisse de régime. De "Wicked Mystic", zébré d'un solo typique du père Jeff, à "Schizos", de "Burns Like A Buzzsaw Blade" à la longue et nerveuse mise en bouche, au véloce "Human Insecticide", le menu défile à 100 à l'heure.
Malgré son âge, peu de poussière recouvre aujourd'hui Alice In Hell, mérite qu'il doit autant à une prise de son puissante qui ne bâillonne aucun instrument, ni la basse, entre les mais de Waters, qui claque à chaque note, ni la batterie de Ray Hartmann, tandis que le chant de Randy Rampage reste dans toutes les mémoires et dont on regrettera qu'il se soit fait éjecté du groupe au profit du tout aussi éphémère Coburn Pharr, peu avant la mise en boîte de Never, Neverland. A l'instar de Hartmann, son chemin croisera néanmoins à nouveau le chemin des Canadiens, dix ans plus tard, pour Criteria For A Black Widow, tentative avouée mais seulement à demi-réussie de renouer avec le style (et le succès) originel.
Pour l'heure, Annihilator triomphe grâce à ce premier album devenu un classique du Metal. Il est pourtant permis de penser que Waters fera bien mieux par la suite, notamment à partir de Carnival Diablos (2001). Mais ceci est une autre histoire et ne sera sans doute pas partagé par tout le monde...