Habitué aux titres énigmatiques (on se souvient de F51.4), Agrypnie signe avec ce 16[485] dont on ne saura jamais ce que son nom signifie, un troisième méfait qui, soyez-en sûr, est amené à faire date dans une carrière débutée en 2004 et régulièrement enrichie.
Si son visuel d'une austérité automnale parait annoncer un contenu mélancolique voire peut-être même suicidaire, il n'en est pourtant rien. Non pas que la musique façonnée par les Allemands, en dignes mercenaires de l'art noir au tableau de chasse assez dépressif (Nocte Obducta, Heretoir, Bonjour Tristesse...), respire vraiment la joie de vivre mais c'est davantage vers une expression typiquement germanique du genre, soit aussi glaciale que tranchante, qu'ils tendent. On pense par moment à Farsot, la géniale démesure en moins, comme l'illustre "Kadavergehorsam", notamment. Ces quelques indications posent le cadre d'un Metal noir moderne et puissant, sans doute pas toujours orthodoxe, louchant parfois vers un Post Black évolutif ("Verfall"), ce qui lui fermera certainement les oreilles de certains ayatollahs (tant pis pour eux), mais palpitant néanmoins d'une dynamique mortifère que l'on ne saurait lui contester.
S'il n'a pas été capturé chez Markus Stock, comme sa direction artistique s'y prêtait, le son reste claire sans trop l'être, grésillant jusqu'il faut ("F15.2", plainte lancinante aux lourds aplats). Il habille des compositions fleuves qui n'hésitent pas à tutoyer les dix minutes au compteur, comme c'est le cas du titre éponyme. 16[485] démarre de la plus belle des manières, avec "Der Tote Trakt", ouverture aux riffs obsédants qui synthétise en un peu moins de sept minutes la signature d'Agrypnie : voix haineuses, modelés d'une froide dureté, noirceur des ambiances, lignes de guitares à la fois belles et incisives et énergie souterraine.
Moins immédiate, la suite se révèle être du même tonneau, conjuguant la rapidité d'un torrent en crue à des accroches mélodiques souvent superbes ("Morgen", que vrillent des ondes entêtantes), le groupe maintenant un équilibre parfois précaire entre brutalité du trait et emphase mélancolique que répandent des nappes de claviers évitant heureusement de sombrer dans une mélasse shoegaze qui aurait pu être tentante mais regrettable.
Malgré quelques longueurs - il dure toute même près d'une heure et quart -, l'album déroule un menu imparable tout du long dont jamais une impression d'ennui ne vient en parasiter l'écoute. Du Black Metal grand public peut-être, mais avec juste ce qu'il faut de négativité pour demeurer intègre. Bref, un grand disque.