Après une longue période de silence entachée par un drame personnel, Loreena Mc Kennitt revient en 2006 avec The Ancient Muse, son septième album studio, une nouvelle fois accompagnée d'une quantité impressionnante de musiciens, corollaire indispensable au voyage proposé, au sens propre comme au figuré, par les neuf compositions proposées.
Dans la lignée des deux précédents albums, la belle canadienne continue d'explorer les territoires du grand Orient, à la recherche des divers courants de la celtitude. Ses différentes expériences et rencontres viennent ainsi nourrir sa musique de multiples influences, les plus exotiques étant caractérisées par la présence d'instruments comme le oud, les tablas ou le kanoun, ainsi que par des percussions très présentes. Celles-ci sont même carrément mises en vedette dans l'instrumental Sacred Shabbat. Néanmoins, outre la harpe jouée par l'artiste, les compositions sont la plupart du temps marquées du sceau des instruments à cordes classiques : bien entendu, le violon de Hugh Marsh se taille la part du lion, mais laisse régulièrement place aux tonalités plus mélancoliques de l'alto de Donald Quan, mélancolie renforcée par les superbes partitions de violoncelle de la non moins superbe Caroline Lavelle.
Et cette teneur mélancolique va donner la tonalité générale de cet album : sous l'influence plus que probable du deuil qui la touche, Loreena Mc Kennitt nous livre en effet des compositions empreintes d'une tristesse à la beauté magnifique, dont les traits les plus marquants se retrouvent dans The Gates Of Istanbul ou même Caravanserai, dont la version live présente sur le DVD Nights From The Alhambra sera autrement plus enjouée. Même pour sa traditionnelle adaptation d'auteur anglais, en l'occurrence Walter Scott pour The English Ladye And The Knight, le mode mineur résonne inhabituellement de manière triste.
Mais tristesse ne rime pas forcément avec morosité, et ici c'est une musique porteuse d'émotions fortes qui vient envahir les neurones de l'auditeur, le transportant dans un état second sublimé par la voix toujours aussi magnifique de Loreena, et par une réalisation transcendant les superpositions de multiples couches sonores, tant classiques qu'orientalisantes. Et pour achever de faire fondre votre serviteur, une dernière intervention de Uillean Pipes vient provisoirement conclure la route enchanteresse empruntée et racontée par l'artiste (Never-Ending Road).
Avec The Ancient Muse, Loreena Mc Kennitt ne se contente pas de frôler la perfection, elle vient carrément tutoyer les Anges. Pour un mélomane quel qu'il soit, passer à côté de cette œuvre relève tout simplement de la faute professionnelle. Grande dame, grand album !