Bâti sur les cendres de feu Breathing Space, lui-même à l'origine projet solo du claviériste de Mostly Autumn, le groupe Stolen Earth sort son premier album, "A Far Cry From Home", dont la pochette suggestive, représentant une jeune fille tout de blanc vêtue se mirant innocemment dans un plan d'eau sans s'apercevoir que le reflet de l'arbre qui est à côté d'elle est une vilaine main crochue s'apprêtant à la saisir, laisse augurer du meilleur. On espère en effet retrouver dans la musique ce mélange de charme (la jeune fille), d'éléments bucoliques (l'herbe verte, le ciel bleu, l'arbre) et d'angoisse surnaturelle (le reflet inquiétant) que le visuel révèle.
C'est donc les sens en éveil et l'esprit satisfait par anticipation que l'on écoute le premier morceau … et qu'on se dit que le ramage ne vaut pas le plumage, pour parodier une célèbre fable. Car le charme n'opère pas, même si c'est bien une voix féminine qui mène le bal. Quelques passages de low whistle, sorte de flûte à bec irlandaise, donnent bien une vague teinte pastorale mais on cherche vainement les atmosphères féériques, angoissantes ou surnaturelles auxquelles on s'attendait.
En lieu et place l'album s'avère être une succession de titres assez linéaires, joués sur un rythme mid-tempo, au format ballade (entendez par là couplet/refrain), agrémentés régulièrement de quelques soli de guitares sympathiques sans pour autant être exceptionnels. C'est d'ailleurs là que le bât blesse : tout est très bien fait, mais tellement conventionnel, tellement attendu, moult fois entendu qu'il est bien difficile de trouver un quelconque intérêt à ces neufs titres. Pourtant les musiciens jouent bien, la chanteuse chante juste, même si sa voix nasale manque parfois d'un peu de douceur, certains passages de piano et de flûte sont pleins de délicatesse, les nappes de claviers et les solos de guitare sur fond de mélodies atmosphériques lorgnent de façon presqu'indécente vers Pink Floyd, mais rien n'y fait. Tout semble trop appliqué, trop construit et interprété selon les canons de l'esthétique. Il manque une touche de fraicheur, de spontanéité, un grain de folie pour que l'ensemble décolle et que l'échine de l'auditeur se hérisse de frissons.
Résultat, les chansons indéniablement agréables et mélodieuses à la base se noient dans une musique fade, sans caractère et manquant singulièrement de rythme. Tout l'album s'écoute sans effort, mais aussi sans passion et s'oublie sitôt terminé. Le groupe ne donne pas l'impression de croire à ce qu'il fait et semble s'ennuyer, ce qui finit par être le cas de l'auditeur.
"A Far Cry From Home" fait partie de ces disques qui ne sont ni bons ni mauvais. Pétris de qualités, celles-ci sont mises sous l'éteignoir par manque de charisme et d'empathie. Au final un album sans saveur quelque peu décevant à réserver aux amateurs de musique bien sage.