Non content d'avoir déjà accouché de quatre (!) albums sous la bannière Electric Moon durant les douze derniers mois, sans compter un nouvel opus solo à la sortie imminente et son job de manager de son propre label, Sulatron Records, Sula Bassana trouve encore le temps de jouer avec Zone Six, historiquement un de ses premiers projets à la discographie aussi riche que bordélique où de rares enregistrements studio voisinent avec des lives par palettes entières. Dernier en date, celui capturé le 30 septembre 2011 lors du Sulatron Festival. On reste en famille donc et entre amis, puisque la fidèle Komet Lulu et Modulfix sont de la partie.
Avec son line-up à géométrie variable, à l'image de la place qu'y occupe Dave (son vrai nom) entre batterie, guitare et spacebass, Zone Six est moins un groupe qu'un laboratoire sonore à géométrie variable qui n'est jamais autant à sa place que sur scène, ceci expliquant le faible nombre d'albums studio officiels à mettre à son actif. Son Rock (bien évidemment) instrumental aux confins de la trance psychédélique est de fait taillé pour les happenings improvisés, pour les jams interminables.
Ce soir-là, les Allemands ont interprété trois titres dont les noms importent peu. Ils n'en auraient joué qu'un seul, que nous n'aurions pas vu la différence tant leurs compos ne sont qu'un prétexte, une piste de décollage vers l'Absolu. De plus en plus proche d'Electric Moon (à moins que ce ne soit l'inverse), Zone Six tricote une musique éprise de liberté, noyée sous les effets de synthétiseurs généreux aux teintes spatiales, rythmée par une basse et une batterie sous hypnose et piloté par une guitare qui s'envole toujours très haut vers des cieux d'habitude inaccessible aux êtres humains.
"Stones Washed" (21:28), "Timmee" (33:44 !) et "Isotoxick" (13:57) ont des allures de périples cosmiques nébuleux aux contours volontairement flous, où pourtant jamais nos cinq explorateurs ne paraissent s'égarer dans ce nuage aux saveurs parfois orientales, ni se prendre les pieds une architecture faussement lâche. Au contraire, ils savent parfaitement où ils vont et où ils nous entraînent, même lorsque le voyage dure plus de trente minutes nous rappelant les grandes heures des années 70 où les groupes n'hésitaient pas à se lancer, pour le plus grands plaisir des oreilles, dans des digressions aussi démesurées que jubilatoires. Zone Six est leur héritier.
Quand bien même il semble inutile car fastidieux, de rentrer dans une description minutieuse des trois pistes remplissant ce live, le genre auquel elles se rattachent échappant à ce type d'exercice en cela qu'il se ressent plus qu'il ne s'explique, il convient toutefois d'insister sur la qualité du monumental "Timmee", source d'un orgasme hallucinant où les instruments se coulent les uns dans les autres pour une partouze dantesque dont on aurait presque envie qu'elle ne s'arrête jamais. Bref, encore une fois, Sula Bassana, même s'il n'est ici qu'un musicien parmi d'autres, démontre qu'il est capable de transformer tout ce qu'il touche en or. Divin et immense !