Depuis 2007 et sa première exploration en solitaire, Strength In Solitude, ce n'est pas moins de vingt cinq albums (!) que Brock Van Wey a publié sous le nom de Bvdub. Record à battre ! Les mauvaises langues argueront, outre le fait que la Deep Techno, sous-chapelle dont le musicien se réclame, de part sa nature même, facilite ce genre de diarrhée créatrice, que rien ne ressemble plus à un disque de Bvdub qu'un autre disque de Bvdub, ce qui peut expliquer ce stakhanovisme ahurissant. C'est pourtant bien mal connaître l'artiste et son œuvre que lui faire ce reproche. Si, à première vue, et à première vue seulement, ses créations paraissent effectivement se distinguer assez peu les unes des autres, une immersion en profondeur à l'intérieur de celles-ci ne peut qu'infirmer cette trompeuse impression initiale.
On en veut pour preuve ce véritable corpus de cinq albums (à ce jour) que l'Américain a livré entre 2011 et 2012 et comprenant Resistance Is Beautiful, Then, The First Day, Don't Say You Know et Serenity que cimentent une atmosphère éthérée et des samples (quasi) identiques. Une écoute rapide, sinon distraite, de cet ensemble renverra l'image d'une même partition déclinée autant de fois. Pourtant, chacun d'entre eux possèdent sa propre identité, cultivent avec subtilité ses propres différences.
Succédant au frissonnant I Remember, adaptation très personnelle du Morketid de Netherworld conçu pour le label Galcial Movements, Resistance Is Beautiful se déploie via cinq palpitations (forcément) typiques du style Bvdub, entre boucles hypnotiques et samples de voix féminines spectrales, le tout voilé par cette mélancolie vaporeuse coutumière, cette amertume qui sourde d'une beauté pourtant immense. Fidèles au standard de leur auteur, les titres sont longs, très longs même, s'étirant parfois sur plus de 17 minutes, sans pour autant rendre le disque interminable, bien au contraire car notre musicien solitaire possède la capacité rare d'envoûter, son art confine à une forme de transe, d'une démesure dans la répétition tout à fait remarquable.
Resistance Is Beautiful épouse la courbe d'un crescendo émotionnel. "What Happened To Us" puis "Nothing Like You" distille une ambiance diaphane pour le premier, plus lumineuse pour le second. A partir de la pulsation trippante "Gone Tomorrow", l'intérêt monte d'un cran pour atteindre l'apothéose lors de "This Is Why You'll Never Win", élévation désespérée d'une déchirante puissance, que soulignent ces voix féminines lointaines. Sa seconde partie voit l'Américain imprimer un souffle synthétique lancinant qui procure des frissons. Un des plus beaux titres jamais composé par Brock Van Wey, ni plus ni moins. "Fall" achève quant à lui l'écoute sur une note plus contemplative.
A l'arrivée, Resistance Is Beautiful est une œuvre superbe, autant solaire que mélancolique. Pour qui connaît Bvdub, aucune déception n'est à envisager. Quant aux autres...