Dernier album composé avec des titres datant en grande partie des débuts du groupe, "La cité des anges", se démarque pourtant de ses 3 devanciers en intégrant de manière plus sensible une diversité musicale jusqu’alors uniquement frémissante. Le premier changement d’importante est l’intégration de cuivres avec l’arrivée de Michel Gefflot (dit Muzo en référence au duo qu’il formait avec Jean Pierre, dit Placid). Le saxophoniste intervient notamment sur "La cité des anges", "International Raya Fan Club", où il apporte une richesse et une pointe d’originalité au son du groupe. Mais au-delà de l’arrivée de ce nouvel instrument, on ne peut que constater un net enrichissement du langage de La Souris Déglinguée, que ce soit au niveau des thèmes abordés, mais surtout des ambiances musicales explorées.
On voit ainsi apparaitre ce qui s’apparente au premier slow du groupe avec le lancinant "Nostalgique" qui dresse un panorama émouvant des paysages parisiens de La Souris, mais également ce qui pourrait être le premier morceau reggae du groupe (les précédentes tentatives dans ce domaine s’apparentant plus à du ska) avec "International Raya Fan Club", dans lequel le groupe reprend la notion de 'Raya' créée par Wunderbach (et qui à l'instar du 'Chourmo' de Massilia Sound System décrit un regroupement de personnes zonant ensemble). Apparaissent également des sonorités lorgnant vers l’Asie à l’image de l’intro de "La cité des anges", ou vers le jazz avec "Soldats perdus" et ses claquettes. Cette élargissement de son champ d’action se retrouve un peu au niveau des thèmes, notamment avec "La cité des anges", sorte d’exorde au "Bangkok" de l’album "Banzaï", dans lequel la fascination pour l’Asie du Sud Est pointe le bout de son nez. Un titre qui est l’occasion de retrouver le Malaysia Hôtel déjà croisé dans la chanson du même nom.
Mais même si "Irina Blues" explore également des territoires un peu plus lointains que l’Ile de France, le propos général reste toutefois très urbain et très parisien. Ainsi, avec "Soldats perdus", "Saint Sauveur" et "Nostalgique", on retrouve ces évocations du pavé de la capitale chers à La Souris Déglinguée. Mais, et comme l’indique ce dernier titre, le ton est plus au souvenir et à la nostalgie. Un peu comme si le groupe tournait une page sur son passé et commençait à regarder plus loin et surtout, à appréhender les choses avec plus de distance. L’épaississement et l’enrichissement des textes, qui abandonnent de plus en plus la formule de la répétition des couplets, vient également compléter cette amorce d’évolution.
A ce titre, et malgré son format réduit, "La Cité Des Anges" est un album important et bourré de charme. Doté d’un son clair et dynamique, il constitue un excellent compromis entre le bouillonnement rock'n'roll des débuts et la création d’une musique plus bigarrée et plus cosmopolite qui trouvera son apogée dans la première moitié des années 90. Mais malgré de réelles qualités, ce disque, qui sera très peu soutenu sur scène par le groupe, ne rencontrera pas le succès mérité.