Comment un groupe peut-il exploser en plein vol alors qu'il avait tous les éléments entre les mains pour réussir ? Alors que "Screw It !" venait de confirmer les espoirs nés 2 ans auparavant avec son premier opus éponyme, Danger Danger a d'abord vu Kasey Smith (claviers) quitter ses rangs au retour de sa tournée en compagnie de Kiss. Puis, alors que le nouvel opus intitulé "Cockroach" était déjà enregistré, c'est Ted Poley, son frontman, qui se retrouvait viré par Bruno Ravel et Steve West. Ne se démontant pas pour autant, les deux leaders recrutent le chanteur canadien Paul Laine avec lequel ils réenregistrent l'album qui est alors prêt à sortir. Sauf que Poley a engagé une procédure judiciaire pour interdire cette parution, qu'Epic préfère attendre la fin de cet épisode pour sortir l'album, et qu'Andy Timmons (guitare) finit par se faire la malle, probablement excédé par tous ces épisodes extra-musicaux.
Voilà comment "Dawn" finit par sortir au bout de 4 années, sur le label Low Dice créé par Ravel et West, et avec un line-up désormais sous forme de trio, Ravel s'occupant de la guitare en plus de sa basse. Et autant dire tout de suite que les amateurs de Danger Danger vont avoir du mal à reconnaître le combo US qui, à l'image de ses compatriotes de Warrant avec "Ultraphobic", tente un virage artistique visant à coller à la mode du moment, à savoir le Grunge. Finis les ambiances festives, les refrains à scander en chœurs en concert et les paroles légères. Dès "Helicopter", le riff est lourd, le chant de Laine est plus agressif que celui de Poley et le gain de puissance se fait au prix d'une certaine linéarité qui va malheureusement s'installer sur la plus grande partie de l'album. Aucun titre faible n'est à déplorer, et les prestations sont impeccables, en particulier celle de Laine au chant, alliant la puissance à un timbre légèrement éraillé. De son côté, Ravel se révèle être un très bon guitariste, même s'il est vrai que le nouveau style adopté est moins exigeant d'un point de vue technique.
Mais tout ceci est bien insuffisant pour retenir ceux qui avaient craqué sur l'enthousiasme et les mélodies des 2 premiers albums. Ici, l'ambiance est sombre, les tempi lourds et peu variés, alors que les refrains accrocheurs sont rares. Seuls "Mother Mercy" et "Drivin' Sideways" accélèrent un peu le rythme, alors que "Nobody Cares" apporte un peu de légèreté à un ensemble qui devient rapidement indigeste. Enfin, malgré de réelles qualités, les ballades n'apportent pas de changement de tonalité et participent à la tristesse ambiante, que cela soit la semi-acoustique "Goodbye" ou la déchirante "Heaven's Fallin'" qui aurait mérité d'être mieux mise en valeur.
Sans être intrinsèquement un mauvais album, "Dawn" aurait peut-être gagné à sortir sous un autre nom que celui de Danger Danger, étant trop éloigné de l'univers auquel le groupe nous avait habitué jusque-là. Avec des changements de line-up, de label et de style musical, cet album ressemble un peu trop à une tromperie sur la marchandise que les aficionados auront du mal à pardonner à ses auteurs.