Après trois essais au succès inversement proportionnel à leur incontestable réussite artistique, Anthemon a fini par spliter en 2007. Quand bien même Monolithe, l'autre projet de certains de ses membres, est en train de renaître de ses cendres (avec ou sans eux d'ailleurs), on peut affirmer que la poisse poursuit Marc Canlers (basse) et Sébastien Latour (claviers). Espérons qu'Evolvent, leur nouveau port d'attache connaisse une plus heureuse trajectoire. Il le mérite qui plus est.
Renouant avec le Gothic-Doom à chanteuse des années 90, le groupe reprend en quelque sorte là où Anthemon aurait dû rester après Arcanes en 2003, plutôt que de dévier vers un Metal plus moderne. Davantage que le faux-départ Spiritual Confession, EP publié il y a quatre ans déjà, ce Delusion marque le véritable acte de naissance de la formation. Emporté par les caresses vocales de Johanna Monto, laquelle remplace avantageusement la néanmoins talentueuse Céline de Kerliviou (Ad Vitam Aeternam) et retrouve les accents aussi tragiques que diaphanes des cantatrices norvégiennes de l'âge d'or du genre, l'émotion à fleur de peau en plus, l'album se révèle être une réussite de bout en bout, œuvre de Latour, auteur de l'intégralité d'une musique dont la finesse et l'élégance ne masquent pas la tristesse vespérale qui perle à la surface.
La première partie de l'écoute se veut la plus convaincante, enchaînant des compositions aux arrangements soignés et posés sur un socle Doom. Mention spéciale pour "Refuge" et surtout "Well Of Lies", petit bijou d'ambiance qui nous replonge plus de quinze ans en arrière. Le chant automnal de Johanna y est d'ailleurs pour beaucoup, évoquant la beauté désespérée nappant Tears Laid In Earth du légendaire The 3rd And The Mortal comme sur "How Come" par exemple.
Mais le titre le plus étonnant reste sans conteste cette relecture éblouissante de l'"Adajio" d'Albinoni, transformé en hymne Doom. Les puristes crieront sans doute à la trahison, pourtant le groupe a su admirablement capter l'essence émotionnelle de cette pièce de musique classique qu'on ne présente plus et qui avait déjà fait l'objet d'une retranscription par Malmsteen en 1984 sur l'album Rising Force. Pour être différente, la version élaborée par les Français se révèle non moins réussie.
Delusion est un disque impeccable qui témoigne du solide métier de ses auteurs, musiciens qui promènent leur savoir-faire depuis longtemps au sein de groupes tels que Markize, Moonstone et donc Monolithe et Anthemon. Cela s'entend. Croisons les doigts pour qu'Evolvent ne soit pas un ces projets (trop) éphémères, victimes d'une origine géographique peu favorable au Gothic-Doom. Dans le genre, pourtant, ce galop d'essai est un (quasi) coup de maître auquel ne manquent qu'une prise de son plus enveloppée et davantage de morceaux de bravoure.