Comme il l'admet volontiers aujourd'hui, Jeff Waters a manqué de flair au moment d'accoucher du successeur de Never, Neverland. Alors désireux de propulser son Annihilator dans la cour des grands, il décide de limer les griffes de son Thrash Metal afin de toucher un plus large public et faire marcher davantage le tiroir-caisse. Le look "pas tout à fait Hair metal mais pas loin" que le groupe affiche au dos de la pochette de Set The World On Fire est d'ailleurs un signe qui ne trompe pas.
Sauf que nous sommes en 1993 et que ce troisième album arrive avec quasiment trois ans de retard. Le Hard US vit ses derniers feux (le Get A Grip d'Aerosmith) et Annihilator n'est pas Metallica sur les traces duquel le guitariste voulait peut-être marcher. Encore tout chaud, le triomphe du Black Album fait rêver. Mais, outre le fait que Set The World On Fire peut difficilement prétendre jouer dans la même catégorie que son fameux aîné, il a échappé à Waters que la tendance n'est donc alors plus au Heavy ni au Hard-Rock mais à un Metal plus brutal, sale et immédiat. Le Nevermind de Nirvana et le Vulgar Display Of Power de Pantera s'imposent au début des années 90 comme les nouveaux mètres-étalons métalliques. Or c'est une direction opposée que les Canadiens empruntent au même moment alors qu'ils avaient les moyens de redoubler de violence. De là, l'échec commercial de Set The World On Fire, clairement destiné à draguer les ondes, comme le prouve la ballade (?) "Phoenix Rising", registre auquel on n'aurait pas imaginer Annihilator tenter de se frotter, compo au demeurant plutôt réussie.
En terme de ressources humaines et selon son habitude, Jeff a fait le ménage parmi ses troupes, ne conservant que le bassiste Wayne Darley, dont c'est du reste la dernière participation. Bien qu'ayant contribué à certaines chansons ("Bat In The Belfry" notamment), Coburn Pharr n'est pas reconduit derrière le micro, remplacé par Aaron Randall, au timbre il est vrai plus adapté aux nouveaux titres. Bien évidemment, celui-ci sera vite remercié et c'est Waters qui gueulera sur les disques suivants, de King Of The Kill (1994) au controversé Remains (1997). Signalons enfin la présence tout aussi éphémère du batteur Mike Mangini, qui enregistrera toutefois bien plus tard All For You puis Metal, respectivement publiés en 2004 et 2007. Comme l'atteste le concours du futur cogneur de Dream Theater, le niveau technique est élevé.
Set The World On Fire est-il pour autant un mauvais album ? Que nenni. Il abrite de bons titres, certes plus lents (même une cartouche à priori rapide comme "Brain Dance", est vite rattrapée par le cahier des charges mélodique de mise ici) que les classiques émaillant Alice In Hell et Never, Nerverland mais non moins inspirés, à l'image du morceau éponyme où Jeff se fend d'une intervention selon son cœur et son style. D'autres sont plus étonnants, tels que "Knight Jumps Queen" et sa ligne de basse volubile, la fausse ballade "Sounds Good To Me", ou "Snake In The Grass", sorte de chanson FM qui aurait avalé du Viagra par boîte de 12.
Ses qualités ne suffiront donc pas à cet opus pour briller dans les charts. Comprenant la leçon, Waters reviendra à un Thrash beaucoup plus brut de décoffrage, bien que plus lourd, avec King Of The Kill.