L’année 2012 n’a pas encore révélé le groupe de métal progressif 'traditionnel' alors qu’Headspace et Affector, deux groupes que l'on attendait pas et qui sortent leur album chez InsideOut le même jour, agrandissent la liste des prétendants. A la différence du line-up d’Headspace qui ne fait pas totalement figure de dream-team, Affector est un groupe qui réunit de très grands noms du métal progressif avec Ted Leonard (Enchant), Mike LePond (Symphony X), Collin Leijenaar (Neal Morse) et une belle brochette d’invités prestigieux aux claviers (Neal Morse, Alex Argento, Jordan Rudess et Derek Sherinian). Il n’y a guère que Daniel Fries, le guitariste, qui ne soit pas encore au niveau de notoriété de ses collègues. La sortie d’Armagedon va sans doute lui permettre de rayonner en tant que co-compositeur (avec Collin) et instigateur de cet album.
Armagedon se veut une œuvre magistrale, car l’ensemble des textes sont en réalité des prélèvements de versets de la Bible. Les plus sombres épisodes de l’histoire de la création selon les saintes écritures sont ainsi mis en musique par l’intermédiaire d’un métal progressif des plus classiques. Si on ne sait pas à quoi s’attendre avec ce duo de compositeur, la présence de Ted Leonard, elle, représente un vrai attrait. On attendra le troisième titre, "Salvation", pour enfin entendre la gouaille si expressive de l’Américain, futur chanteur de Spock’s Beard. Avant d’en arriver là, il faudra un sacré estomac pour digérer les deux "Overture" qui se révèlent très techniques mais manquant cruellement de cohésion et de mélodie.
L’espoir sera de courte durée car la prestation de Ted Leonard est presque anecdotique dans cet album qui ne met jamais en valeur ses capacités vocales. Difficile de dire si c’est un choix délibéré (conter des textes fortement symboliques doit se faire avec une certaine sobriété), une difficulté d’adaptation des versets en chanson ou si l’écriture des harmonies vocales fait défaut. Quoiqu’il en soit, grâce n’est pas rendue à la voix si unique de Ted.
On retrouve les mêmes déceptions au niveau musical. La musique d’Affector n’arrive pas à surpasser la juxtaposition de plans technique et rythmique. Les mélodies ne sont pas ciselées et l’ensemble apparait inachevé ou manquant de finition. Il n’y a guère que "Cry Song", une ballade sympathique, et les deux derniers morceaux bonus, qui sont des versions allégées d’"Armagedon" et "New Jerusalem" jouées de manière acoustique, qui montrent un peu de caractère et d’émotions. Le reste de l’album, c’est-à-dire le plus important, ne laisse aucune mélodie éveiller la moindre émotion chez l’auditeur et tend à agacer par son manque de construction.
Comment ne pas mettre en perspective les deux groupes que sont Headspace et Affector alors qu’ils font office de concurrents pour la sortie métal progressif de ce début d’année 2012. Deux albums de métal progressif conceptuel dont l’un tire son épingle du jeu alors que l’autre n’arrive pas à sortir de l’ornière. Le duo de compositeurs d’Affector n’a pas réussi le pari d’Headspace de proposer une musique, certes classique, mais véritablement mélodieuse et structurée. Le constat d’échec est amplifié de part le parti pris conceptuel très ambitieux. Armagedon est à réserver aux friands du métal progressif très technique plutôt qu’aux amateurs de sensibilité.