L'histoire de ce pilier du thrash allemand commence en 1982, quand le chanteur et guitariste Mille Petrozza forme le groupe Tyrant avec le batteur Jünger Reil, plus souvent appelé Ventor. Tyrant devient rapidement Tormentor, et c'est sous ce nom que le groupe propose ses premières démos et se fait repérer par le label Noise. Changeant son nom en Kreator à la demande du label, il balance son premier album, "Endless Pain", en 1985. On y découvre une formation brute de décoffrage et qui joue très rapidement, comme si sa vie en dépendait sur chaque note ou morceau. Le style évolue entre le thrash naissant et ce qu'on appelait à l'époque le black métal. Popularisé par Venom, il s'agissait d'un speed métal agressif à l'extrême avec une production rugueuse et des vocaux hurlés.
Cet album est donc clairement l'un des premiers de la scène thrash. Il sort à la même époque que les premiers Slayer, Exodus et Megadeth et fait suite à l'arrivée de Metallica et Anthrax. On y découvre une formation encore verte mais qui à déjà un niveau musical fort correct. A la batterie, Ventor fait d'ailleurs des malheurs avec son jeu rapide et technique. Il partage aussi le chant avec Petrozza, chacun chantant 5 titres, Petrozza ayant un grain plus grave tandis que Ventor beugle de toutes ses forces. Ainsi, l'amateur pourra se délecter de 10 titres, produits et mixés en 10 jours, dont trois issus de la démo "End Of The World", puissants, primitifs et sans possibilité de prendre le temps de souffler. Car de "Endless Pain" à "Tormentor" en passant par "Storm Of The Beast", "Flag Of Hate", "Cry War" ou encore "Living In Fear" et "Dying Victims", Kreator prend les auditeurs à la gorge et ne semble pas décider à lâcher facilement prise. A la guitare, Petrozza se fait la plupart du temps très direct et sans fioritures, mais parfois, au détour d'un solo, on devine ses influences heavy-speed. Il ne possède pas encore un style très personnel mais il connait ses gammes. Avec "Endless Pain" et "Tormentor", Kreator signe même ses premiers classiques, taillés pour la scène et appelés à figurer au panthéon des grands titres du thrash.
En bonus de l'album, on trouve les 4 titres de la démo "End Of The World" sortie en Novembre 1984 et dont les titres avaient été composés dès 1983. On peut ainsi apprécier l'évolution rapide du trio allemand car les titres présentés ici sont encore très primaires. Le son semble tout droit sorti d'un vieux garage et les membres ne sont pas encore parfaitement au point. L'influence Venom, notamment avec "Armies Of Hell", ressort fortement. Les autres titres sont intéressants à écouter sous cette forme, tant on voit bien le pas de géant qu'a franchit Kreator en très peu temps, passant du groupe de garage qui se défoule, à la formation, certes jeune, mais qui sait déjà clairement vers où elle se dirige en apportant aux chansons des modifications musicales flagrantes.
Bien sur, tout cela manque de finesse et de variété, mais il faut replacer le disque dans le contexte de l'époque où Venom était tout puissant, et ne pas oublier que les membres du groupe n'avaient même pas encore 20 ans à l'époque de l'enregistrement. Pour leur jeune âge, ils montraient déjà un excellent niveau et surtout laissent pas mal de promesses quand à leur évolution. "Endless Pain" est donc un album qu'il faut écouter pour découvrir les débuts de celui qui sera un pilier du thrash allemand, et aussi parce que l'on assiste clairement à l'avènement d'un genre nouveau aux allures de très grosse claque.