Il aura fallu attendre le quatrième album pour que Procol Harum connaisse son premier changement de line-up. Celui-ci n'est pas anodin car, outre le départ du discret bassiste qu'était Dave Knights, c'est Matthew Fisher qui tire sa révérence, emmenant avec lui son orgue Hammond et ses inspirations classiques. Les deux hommes se voient remplacer par Chris Copping qui assurera les parties de basse et de claviers. Copping n'est pas un inconnu: il faisait partie des Paramounts dont sont également issus Brooker, Trower et Wilson. Avec le départ de Fisher, les tensions sensibles sur "A Salty Dog" semblent s'être momentanément apaisées. Brooker ne partage plus le chant avec quiconque, et si Trower s'adonne encore à la composition, ce n'est que le temps de deux titres noyés au milieu des neuf que compte l'album.
"Home" est tout aussi varié que son prédécesseur, mais donne moins une impression de coq-à-l'âne. Claviers et guitares ne s'opposent plus, mais collaborent plutôt, ou tout du moins observent une trêve, même si la guitare reste plus agressive sur les deux titres de Trower. Plus étonnant, le groupe semble revenir sur certains morceaux au format progressif qu'il avait effleuré sur "Shine On Brightly". Ainsi, 'The Dead Man's Dream' est un titre gothico-classique où le chant est remplacé sur la partie centrale par une déclamation mystique. Procédé de nouveau utilisé sur 'Whaling Stories', titre torturé et complexe où progressif et hard-rock font bon ménage. Les autres titres suivent une structure plus classique, alternant rock nerveux ('Whiskey Train', 'Still There'll Be More', 'About To Die' ou le très pop 'Your Own Choice') et mélodies mélancoliques ('Nothing That I Didn't Know', 'Barnyard Story'), sans oublier le curieux 'Piggy Pig Pig' rappelant les Beatles au point qu'on se demande si le final ne sort pas tout droit de 'I'm The Walrus'.
Si le chant de Brooker semble parfois manquer de conviction (son piano restant toujours aussi dynamique), Trower continue à sortir de la réserve où il s'était prudemment cantonné sur les deux premiers albums et alterne riffs agressifs, soli hard rock démonstratifs et traits atmosphériques. B. J. Wilson rayonne d'une présence admirable, allant parfois jusqu'à voler la vedette aux autres instruments comme sur 'Still There'll Be More'. Enfin si les nappes d'orgue du petit nouveau ne font pas oublier Matthew Fisher, Copping se rattrape avec un jeu de basse très dynamique, tantôt volubile, tantôt très sombre, parfaitement adapté à l'atmosphère dégagée par chaque chanson.
Il manque juste à cet album une locomotive, un tube pour attirer les auditeurs comme des mouches sur du papier enduit de miel. "Home" est également quelque peu desservi par l'hésitation stylistique que le groupe semble avoir éprouvé entre titres pop ou plus progressifs. Néanmoins, il s'avère globalement plus équilibré que son prédécesseur et oh combien plus inspiré que son successeur.