Si depuis 2010, c'est surtout Electric Moon qui l'occupe, Sula Bassana n'en néglige pas pour autant sa carrière solo débutée bien avant et qu'animent des rondelles toutes plus différentes les unes des autres, quand bien même la signature de l'Allemand est à chaque fois clairement lisible. Dominé par la guitare stratosphérique du maître, The Light est un chef-d'œuvre de Space-Rock tribal et planant, cependant que Kosmonauts, pour ne citer que les plus récents, se veut un pur album de musique électronique où la guitare est en retrait par rapport aux synthétiseurs, également entre les mains de Bassana, multi-instrumentiste généreux. Gravé sur une longue période, entre 2007 et 2012, quel visage Dark Days arbore-t-il à son tour ?
Si son nom suggère une certaine noirceur, il n'en est en fait rien (encore que certains passages sur lesquels nous reviendrons se révèlent assez sombres), ce qui du reste eut été surprenant de la part d'un musicien dont les créations distillent un bien-être incroyable, à tel point qu'elles devraient être vendues en pharmacies et remboursées par la SECU ! Par contre, il s'agit très certainement de son échappée en solitaire la plus psychédélique, comme en témoigne le gigantesque "Surrealistic Journey", pavé de plus de vingt minutes et véritable pandémonium d'orgues et de claviers dignes du regretté Jon Lord. Accompagné par la batterie hypnotique du fidèle Pablo Carneval (Electric Moon), Sula y tricote une myriades de sons qui sentent bon l'orgue Hammond aux allures de voyage dans une galaxie étrange. La six-cordes n'intervient qu'en cours de route, dégorgeant de fuzz et de wah-wah. Epicentre de l'album, ce titre forme avec les hermétiques "Dark Days" puis "Bright Nights", un ensemble opaque qui renvoi aux expérimentations les plus barrés de Klaus Schulze et surtout de Pink Floyd, période pré-Atom Heart Mother, parfaite illustration sonore du visuel réalisé par Komet Lulu, par ailleurs bassiste d'Electric Moon et de Zone Six. Ces quarante minutes d'un trip halluciné sont encadrées par trois morceaux en revanche beaucoup plus Rock, que pilote une guitare mangeuse d'espace.
Il s'agit tout d'abord de "Underground", unique composition non instrumentale (le chant y est assuré par David Henriksson du groupe de The Movements), qui invite à l'orgasme avec sa partie centrale éblouissante de feeling. Sula décolle très haut vers les étoiles grâce à une partition belle comme un chat qui dort. Puis "Departure" annonce le long périple à venir, titre encore assez groovy bien que déjà nappé de sons rêveurs. Enfin, le tunnel cosmique cité plus haut débouche sur "Arriving Nowhere", atterrissage tout d'abord rassurant mais qui, peu à peu, dévoile une réalité qui l'est beaucoup moins. La planète sur laquelle la navette s'est posée abrite en fait un monde bizarre et totalement inconnu où la seule balise à laquelle se raccrocher au milieu d'un magma de sons étranges, reste le manche énorme de Sula duquel coule un torrent de notes jouissives. Plus on avance dans le titre et plus on perd pied. La guitare se met à hurler, mais au loin, lors des ultimes mesures, une douce lumière surgit, promesse, peut-être, d'un eldorado caché.
Encore une fois, le guitariste se fend d'un album à la (dé)mesure de son talent, bien différent de ses aînés, bien que toujours aussi bon, et voire meilleur, car construit à la manière d'une expédition vers l'inconnu. Après plus de vingt ans de carrière dans les jambes, on peut affirmer que Sula Bassana vit actuellement son apogée en terme d'inspiration et de reconnaissance.