Depuis quelques années, c’est quand il est associé à une forte coloration extrême que le métal progressif passionne et innove. Leprous, Ihsahn et Haken sont les formations emblématiques de ce renouveau. Même sans attendre une révolution de créativité à chaque album, on doit avouer que ce début d’année n’a pas été très généreux en album de métal progressif plus traditionnel. Une formation anglaise tente le pari en s’affichant sur le catalogue du très réputé label Inside Out, aux côtés des nombreuses sorties djeunt très à la mode actuellement. Headspace est la rencontre de cinq musiciens ayant pas mal roulé leur bosse, dont le claviériste Adam Wakeman (Ozzy Osbourne) et le chanteur Damian Wilson (Threshold). C’est avec surprise que l’on aborde I Am Anonymous, un premier album que l’on n’attendait pas.
Cet album est très long et très dense, mais s’arrêter à cette difficulté, c’est risquer de passer à côté d’un grand disque de métal progressif. I Am Anonymous est l’œuvre des cinq membres d’Headspace et cette écriture à dix mains ne souffre que rarement d’un défaut de cohérence. Peut-être à l’occasion du titre phare, "Daddy Fucking Loves You" et ses quinze minutes, on ressent un léger manque de construction qui doit plus à la grande diversité des ambiances et des harmonies qu’à une lacune d’inspiration. Ce morceau n’en est pas moins une démonstration de classe.
Et c’est le cas pour les six autres titres (on passe sur la ballade "Soldier", agréable mais pas éblouissante) qui font la part belle à une intelligence de composition et qui montrent autant de puissance que de sensibilité. On y retrouve le meilleur d’Andromeda ("Invasion"), Ark ("Die With A Bullet"), Everon ("In Hell’s Name") ou Dream Theater (un peu partout) avec beaucoup de breaks instrumentaux (mais pas nécessairement de soli de guitare) très maîtrisés et des arrangements riches et variés.
Pour finir, comment ne pas saluer la performance de Damian Wilson qui rayonne tout au long de ce I Am Anonymous. Que le chant soit éthéré (le début de "In Hell’s Name") ou rageur, les interventions de l’Anglais amènent souvent une dimension dramatique qui colle parfaitement au thème de l’album (concept lié à la guerre). Les nombreux chœurs (la fin de "Invasion" ou le début de "The Big Day" par exemple) amènent une richesse harmonique génératrice de fortes émotions. Difficile de faire un album plus complet musicalement, quand chacun des protagonistes apporte un savoir-faire individuel qui vient alimenter une direction artistique brillante.
Headspace est l’anti-Affector, dont l’album est sorti le même jour, sous le même label et dans un style identique. Le travail d’écriture d’I Am Anonymous est totalement collégial et le résultat aux antipodes de la froideur d’Armagedon. Headspace prouve qu’il y a encore beaucoup à dire du côté du métal progressif traditionnel quand l’alchimie et la cohésion entre cinq musiciens opère. Reste à espérer que cette réunion ne soit pas unique. I Am Anonymous est clairement l’album de métal progressif de ce début d’année.