Echaudé par l'échec, commercial plus qu'artistique, de Set The World On Fire, et faisant sien l'adage qui veut que l'on ne soit jamais mieux servi que par soi-même, Jeff Waters prend alors la décision de se passer de chanteur, véritable siège éjectable au sein d'Annihilator et donc de reprendre le micro (ce qu'il avait déjà fait le temps de la démo Phantasmagoria), en plus d'assurer les guitares et la basse. En s'entourant désormais du seul Randy Black derrière les fûts, c'est un groupe réduit au strict minimum qui prend forme.
Ecrit et gravé à quatre mains dans le propre studio du guitariste (le Watersound), King Of The Kill, s'il corrige le tir, en revenant au pur Thrash-Metal bien que moins speed et plus Heavy, ne permet pas vraiment à Waters de retrouver la place que son jouet occupait à la fin des années 80 grâce au succès de la doublette Alice In Hell/Never, Neverland. Ce quatrième opus rencontre davantage son public que son prédécesseur mais le marché américain continue de le bouder, constante qui perdure d'ailleurs aujourd'hui encore. Waters n'en a cure et satisfait de son association fructueuse avec le futur cogneur de Primal Fear, reconduit cette formule à deux têtes pour Refresh The Demon qui sort deux ans plus tard.
Ce dernier confirme deux choses: d'une part, que Jeff, sans être un grand chanteur, possède le grain idéal pour donner vie à ce Thrash 'couillu' mais toujours mélodique, un peu à l'image de Jon Schaffer d'Iced Earth, et d'autre part, l'insolente forme qu'il dressait sur King Of The Kill ne s'est pas ramollie, bien au contraire. Etonnamment (ou pas), on sent le bonhomme plus libre, plus détaché. Tenant tous les postes ou presque, de la six à la quatre cordes et du micro aux manettes de producteur, il fait ce qu'il veut, se fait clairement plaisir, là, rendant hommage à son idole de toujours, Angus Young ("Hunger", sans compter, en bonus de la réédition, la reprise fiévreuse de "Riff Raff" de qui vous savez !), ici, expérimentant à toute berzingue ("The Pastor Of Disaster", sa basse ronflante, son gros riff presque indus), annonçant par-là même, dans une moindre mesure toutefois, le mal aimé Remains.
Moins lourd que ne l'était King Of The Kill, encore que "Syn. Kill 1", voire également "Voices And Victims", ne sont pas avares en plomb, Refresh The Demon renoue avec la fureur speed des débuts, comme l'illustrent le titre éponyme ou les brûlots "Ultraparanoia" et "City Of Ice", la seule pause étant incarnée par "A Man Called Nothing", sorte de ballade Heavy Metal des plus réussies.
Au final, cet album a tout de la bonne pioche, sans génie peut-être mais d'une efficacité vrombissante, ce qui ne freinera toutefois pas le déclin commercial d'Annihilator. Au vu de la teneur audacieuse, pour ne pas dire casse-gueule, de son successeur, gageons que Jeff Waters s'en fout alors pas mal...