En 1983, après "Making Movies", Phil Mogg s'écroule au cours d'un concert, au bout du rouleau, usé par les excès et les tournées. UFO doit annuler des concerts et le chanteur doit prendre du repos. Pendant ce temps, le groupe va éclater. Paul Raymond avait déjà levé le camp en 81 (remplacé par Neil Carter en 82) puis c'était Pete Way qui avait quitté le groupe l'année précédente (remplacé par Paul Gray). Cette fois, même le sympathique Paul Chapman et le vétéran Andy Parker (batterie), peut-être un peu las de cette vie délirante, laissent tomber l'éponge.
Après une longue période à vide, c'est en Californie, où il est parti habiter, que Phil Mogg va trouver un jeune guitariste inconnu mais surdoué, Tommy McClendon, que l'on surnommera "Atomik Tommy M". Malgré les précédentes déclarations de Mogg qui disait ne pas désirer reformer UFO, il reconstruit une nouvelle mouture du groupe où ne reste de la précédente formation que Paul Gray à la basse. Par contre, une surprise : c'est le retour de Paul Raymond qui a quitté le Michael Schenker Group ! Andy Parker ne revient pas et après des concerts et quelques sessions en studio avortées avec Robbie France, c'est Jim Simpson, batteur de Magnum pendant un temps, qui tient les baguettes.
Années 80 obligent, UFO repart plus ou moins sur les bases de "Making Movies" et accentue davantage un certain côté commercial, avec beaucoup de synthétiseurs et une batterie électronique mais cette fois c'est McClendon et/ou Gray qui co-signent la plupart des titres, Paul Raymond en compose également un.
En fait, "Misdemanor" a au moins l'avantage de ne pas se cantonner à un seul style, contrairement à trop de groupes de hard rock et de metal de l'époque (et encore maintenant).
Le côté "hard FM" est néanmoins prépondérant, en particulier au début de l'album avec les rapides et accrocheurs "This Time" et "One Heart". Le plus subtil "Night Run" qui suit est quand même un des meilleurs morceaux de l'album. Le trompeur "Blue" avec un début lent et son refrain plus rapide – un peu sirupeux – est typique du genre mais la voix de Phil Mogg chaude et légèrement voilée, fait une certaine différence. Le groupe nous offre aussi un boulet plus heavy, l'excellent "Heaven's Gate", meilleur morceau de l'album à la structure contrastée, et deux morceaux plus typés hard rock : l'agressif "Meanstreets" (avec seulement des synthés cristallins sur le refrain) et le final "Wreckless" dont seule le premier couplet lent fait croire à une autre ballade. "Name Of Love" est un peu à part, introduit par une étrange section dramatique au synthé, un morceau assez fort avec des couplets lents et des pré-refrains et refrains rapides et entêtants.
Et enfin, UFO ne renonce pas, à l'époque, aux deux ballades lentes qu'il nous a donné l'habitude de produire sur chaque album (une par face de LP) et c'est tant mieux car Phil Mogg y est souvent très inspiré. Ici, "The Only Ones" est superbe tandis que plus loin, "Dream The Dream" est assez orchestrale mais le morceau est un peu gâché par la batterie électronique qui claque trop.
On s'aperçoit que le fameux "Atomik Tommy M" est un virtuose, dont le jeu d'une grande fluidité (surtout que c'est nouveau à l'époque !) est aussi mélodique qu'il peut être fulgurant. C'est à coup sûr l'un des meilleurs atouts du disque.
C'est Nick Tauber qui produit l'album, et sur la réédition, il avoue avoir laissé trop la bride sur le cou aux musiciens, partageant lui-aussi leurs excès… car excès il y a (l'élaboration sera lente et couteuse) ! L'album souffre d'un défaut sonore déjà présent sur le premier Marillion et typique de Tauber : son sifflant, trop froid et métallique, parfois un peu creux, manquant de basse (surtout sur le vinyle). Le mixage est parfois un peu saturé et brouillon. Et puis le choix (courant à l'époque) d'employer une batterie électronique au son souvent assez artificiel est plutôt pénible.
Le récent remaster de Chrysalis/EMI corrige en partie le tir, avec des basses un peu plus généreuses et c'est sans aucun doute cette version qu'il faut privilégier mais l'album aurait dû être remixé…
En fait, à l'époque, l'album avait déjà été remixé légèrement pour le marché américain (où il ne sortira qu'en mars 86) et on trouve sur le récent remaster pas moins de six titres de cette version (où on n'entend pas de grande différence aujourd'hui, si ce n'est peut-être une meilleure séparation des instruments parfois et où l'intro de "Name Of Love" est coupée. Quelques durées diffèrent légèrement).
Le remaster comporte en outre une face B de single, "The Chase", assez sympathique, notamment grâce à un break instrumental inhabituel, mais dont le refrain est un peu faiblard.
"Misdemeanor" est un disque plutôt unique dans la carrière de UFO dont la formation éclatera de nouveau et pour plusieurs années à la suite de cet album et d'un essai de nouvel album avorté, paru tardivement (le mini-LP "Ain't Misbehavin' " où Raymond ne figure plus). Mogg restreindra fortement l'usage des claviers des albums ultérieurs de UFO (sauf sur l'excellent "Walk On Water"), au point qu'il n'y a carrément plus du tout de claviers sur "Ain't Misbehavin' " ni sur "High Stakes And Dangerous Men" en 1992 (grossière erreur). Avec un ou deux autres morceaux de la trempe de "Heaven's Gate" et surtout une meilleure production, nul doute que "Misdemeanor", assez typique des années 80, aurait pu être nettement supérieur.