C'est la seconde fois que Procol Harum nous fait le coup de la résurrection ! Alors qu'on le croyait définitivement disparu à sa séparation en 1977 après la sortie de "Something Magic", il revenait quatorze ans plus tard avec "A Prodigal Stranger". Nouvelle éclipse de douze ans avant de se rappeler à notre bon souvenir avec "The Well's On Fire". Côté line up, Robin Trower et Dave Bronze sont respectivement remplacés par Geoff Whitehorn et Matt Pegg, ce dernier étant le fils de David Pegg, ancien bassiste de Jethro Tull. Comme quoi le monde est petit ! Les piliers Brook/Reid/Fisher sont, eux, bien présents, rassurant partiellement sur l'intérêt de cette nouvelle mais tardive production.
Soyons honnête : si l'écoute de cet album est agréable, elle ne provoque aucun étonnement. Brooker et sa bande nous récitent consciencieusement leur partition, sans plus. C'est propre, bien joué, bien chanté (la voix chaude de Gary Brooker traverse les âges sans changer ou presque, n'étant à la peine que sur la note la plus aigue de 'Fellow Travellers' sans que cela prête à conséquence) mais l'émotion est rarement présente et l'inspiration est devenue mécanique. Les titres enchaînent des rocks prévisibles, des rhythm'n'blues stéréotypés, des chansons pop FM sans grand intérêt, mais qui passent comme une lettre à la poste.
Quelques titres redonnent quand même au groupe son lustre d'antan et méritent à eux seuls l'achat de cet album.'Shadow Boxed' distille une mélodie pop au punch rafraichissant, 'The Blink Of An Eye' joue sur la nostalgie de son orgue Hammond, 'Fellow Travellers' donne envie de se laisser aller à la tendresse, joue contre joue en fermant les yeux. Mais c'est surtout avec 'The Emperor's New Clothes' et 'Weisselklenzenacht' que la magie de Procol Harum resurgit.
Sur 'The Emperor's New Clothes', le piano et la voix nous invitent à une valse mélancolique et raffinée sur laquelle flotte un parfum de 'Grand Hotel'. Les fantômes du vieux Procol Harum s'invitent au bal, provoquant un premier frisson autant dû à la beauté du titre qu'à la nostalgie qu'il inspire. L'introduction à l'orgue Hammond de 'Weisselklenzenacht' renvoie à celle de 'A Whiter Shade Of Pale'. Sur les accords plaqués du piano et les coups de batterie, la basse résonne d'un long murmure grondant tandis que l'orgue égrène des thèmes classico-baroques presque religieux, échos lointains d'un certain 'Repent Walpurgis'. Un véritable condensé de ce à quoi on s'attend quand on écoute du Procol Harum. Si ce titre est le dernier du dernier album studio du groupe, il ne pouvait être plus approprié pour terminer en beauté une carrière qui s'était ouverte sur 'A Whiter Shade Of Pale'.
La boucle est bouclée et il est amusant de voir que les deux plus beaux titres de cet album sont signés Brooker et Fisher. Comme si, inconsciemment, ils avaient chacun voulu achever leur œuvre par un titre rappelant leurs meilleures heures. En ce sens, le contrat est pleinement rempli.