Avec "Ukon Wacka", Korpiklaani avait crée une certaine surprise en parvenant à s'extraire de la médiocrité dans laquelle il s'était installée depuis quelques albums. L'âme perdue depuis son deuxième album était de retour et on se prenait à espérer qu'il saurait prendre le temps avant de proposer de la nouveauté. Malgré tout le groupe n'a encore pas perdu de temps pour proposer "Manala", 9ème album de sa déjà riche histoire. De plus, il s'est permis de tourner dans l'intervalle et, cerise sur le gâteau, il propose ce nouvel opus en deux versions, une en finnois et une en anglais. L'atwork est très classique et nous fait retrouver pour la énième fois leur célèbre shaman dans une posture qui donne l'impression d'être la suite directe de la précédente. De fait, l'inquiétude est réelle et il est à craindre que le groupe, qui a changé de violoniste, ne retombe dans ses travers aussi vite qu'il en est sorti. Mais cette peur est vite balayée car Korpiklaani garde sa bonne dynamique avec un bon patchwork de chansons variées et inspirées. Certes, il n’évite pas de petites faiblesses mais le bilan est bon.
Au rayon des bonnes surprises, nous citerons pas mal de titres courts, rapides et folks, certes dans le moule de ce que propose le groupe depuis quelques années, mais avec une inspiration au rendez-vous et surtout, des passages folk bien en évidence. Le violon est de nouveau à l'honneur et son mariage avec les guitares fait un bel effet. "Kunnia" et "Tuonelan Tuvilla" ouvrent l'album avec efficacité et une bonne humeur garantie, tandis que "Ruuminmultaa", "Uni" et "Ievan Polkka" agrémentent à merveille le cœur de l'album avec des rythmes dansants irrésistibles. Le tout est emmené vocalement par un Jonne en pleine forme qui démontre qu'il reste un formidable compteur d'histoires anciennes.
Mais Korpliklaani ne se contente pas de ces titres rapides: il nous fait plaisir avec des chansons plus douces, comportant toute l'âme de sa musique. Ainsi, "Synkkä", où acoustique et folk se font la part belle, ou "Husky Sledge" et "Dolorous", deux très beaux instrumentaux habités par l'esprit des forêts hivernales finlandaises, donnent un fort supplément d'âme au disque. Enfin, avec "Sumussa Hämärän Aamun" Korpiklaani surprend avec un titre aux frontières du doom et du gothique, proche de l'esprit d'un My Dying Bride, comme si ces derniers avaient balancé avec réussite du folk dans leur légendaire musique sombre.
Rayon faiblesses, nous regretterons la présence d'un "Rauta" mal chanté et musicalement assez faible, aux allures de face B inachevé, alors que "Metsälle" est un titre qui, après un bon début calme, s'embarque dans un tempo assez rapide qui ne lui convient guère, bien trop générique du style Korpiklaani. La version bonus propose donc la version anglaise du disque, moins "Sumussa Hämärän Aamun", et cela fera sans doute plaisir aux fans, même si elle n'apporte pas grand-chose, faisant même perdre la force d'âme du groupe dans sa langue natale.
"Manala" est malgré tout un bon cru des Finlandais, toujours un peu sur la corde raide mais qui arrivent à garder un bon niveau d'inspiration et toute leur âme malgré la rapidité d'exécution. Le disque a en tout cas tout pour séduire les amateurs du genre tant il en contient les meilleurs ingrédients. Il devrait permettre à Korpiklaani de prétendre de nouveau au trône d'un genre aux nombreux prétendants.