Elvenking, combo italien de métal folkisant avait opéré un virage délicat il y a deux ans avec "Red Silent Tides" en polissant son image folk pour développer avec talent son côté plus mélodique et accrocheur. Avec ce nouvel album, la question était de savoir s’il allait encore flouter son identité folk ou redonner un peu de lustre à cet aspect original de leur musique. Les quelques changements de personnel, violon et batterie, ne laissant cependant pas croire à une évolution drastique.
Le titre d’introduction d’un album est toujours parlant et est sans doute un choix cornélien pour tout groupe. Qu’il le veuille ou non, c’est le premier contact avec leur nouvelle œuvre et cette intro peut lever ou enfoncer de faux préjugés ! Avec "The Loser", Elvenking semble intégrer pas mal des influences qui on fait sa réputation. C’est puissant, avec un certain sens de la mélodie, le violon n’est pas absent, la basse ronfle, la guitare virevolte et le débit est plutôt costaud avec toujours un petit parfum bienvenu de thrash voire de death à la Children Of Bodom.
Suit "I am A Monster", où Elvenking dévoile encore mieux ses cartes: un rythme mêlant folk et rythme endiablé à la Freedom Call, une superbe mélodie, et des vocaux sur-motivés par la présence de Jon Oliva. Le violon intervient surtout en milieu de titre, avec quelques flûtes, pour relancer un solo de guitare d’anthologie, et bien que très mélodique, le titre ne souffre d’aucune linéarité. Le troisième titre, avec son intro acoustique et ses flûtes, ne laisse plus aucun doute: Elvenking, sans renier la percée power mélodique de l’album précédent, a décidé de renforcer le côté folk de sa musique pour encadrer son énergie débordante. En confiance, et après la petite respiration offerte par "A Song For People" et sa talentueuse chanteuse, Elvenking atteint le sommet de la fusion en inventant l’électro-folk ! En effet, ce "We, Animals" est une véritable gigue métallique irrésistible qui devrait faire fureur lors de leurs concerts. Le tout sans sombrer dans la facilité et en bousculant même le crescendo classique afin de retarder l’orgasme et le rendre inévitable!
Après une première partie d’album irréprochable, Elvenking aurait pu se contenter de se la dérouler facile, mais la seconde moitié de l’album est tout aussi réjouissante ! Sans sombrer dans la mélodie évidente, ou dans le copiage aisé en singeant adroitement un Blind Guardian par exemple, Elvenking affirme avec cet album sa personnalité et ses goûts. Le résultat est un power metal empreint de mélodies efficaces posées sur des structures plus complexes qu’il n’apparaît, d’éléments folk festifs et d’une énergie à revendre ! Même la ballade un peu pompeuse à la Meat Loaf, "Forget Me Not", est une belle réussite grâce au travail sur les voix, en incorporant au moment judicieux une belle accélération inattendue dotée d’un bel effet de couple guitare-piano, parfumé de folk bien sûr.
Tous les titres étant dignes d’intérêt, difficile de faire un choix dans ceux à tirer encore du lot. Le folk étant en principe là pour faire danser, impossible de passer à côté de "Poor Little Baroness". Le violon y est à l’honneur, et reprend aussi adroitement la rythmique de "We, Animals" pour nous emmener à nouveau dans une bourrée endiablée pendant laquelle il est difficile de s’imaginer autrement que sautant pieds joints l’auriculaire et l’index pointés vers le ciel. Citons encore "Chronicle Of A Frozen Era", peut-être le titre le plus complexe, mais qui sait garder une efficacité sans faille, sans oublier de faire passer l'émotion indispensable.
Avec "Era", Elvenking renoue avec un folk-métal cette fois décomplexé et nous offre sans doute son meilleur album, à la fois accessible et complexe, combinant comme jamais folk et power metal. Une grande réussite et un coup de cœur personnel !