Mais à quoi fonctionne Neal Morse ? De quelles vitamines se gave-t-il pour tenir le rythme d'une production à donner le tournis à n'importe quel chroniqueur ? Sortie en 2009 de "The Whirlwind" (2 CD) avec Transatlantic, en 2010 du live "So Many Roads" (3 CD) en solo et du live "Whirld Tour" (2 DVD) avec Transatlantic, en 2011 du double album studio "Testimony Two" sous son nom, en 2012 de l'éponyme "Flying Colors" et enfin du ci-devant album, "Momentum", à nouveau à mettre au crédit de ses réalisations solos. Sans oublier "Cover2Cover" (2CD) constitué de reprises issues des sessions d'enregistrement de "Lifeline" et "Momentum".
Les fans ne peuvent être qu'aux anges d'une telle créativité, mais j'entends déjà les détracteurs se plaindre qu'une telle quantité n'est possible qu'au détriment de la qualité et que "Momentum" n'est qu'un nouvel habillage de "Testimony Two", lui-même copie conforme de "Lifeline", etc … Si la critique n'est pas infondée, tout dépend cependant du point de vue adopté pour analyser les qualités et défauts de cet opus, selon qu'on le considère comme un tout indépendant du reste de l'œuvre de Neal Morse, ou par comparaison avec les albums qui l'ont précédé.
Gageons que tout auditeur qui découvrirait la discographie de cet artiste par ce disque serait probablement enthousiaste. Car "Momentum" présente un visage bien sympathique, et fort peu de faiblesses. Neal Morse y imprime sa patte caractéristique faite de mélodies fluides et d'harmonies vocales recherchées, le tout servi par d'excellents interprètes faisant preuve d'une virtuosité et d'une implication irréprochables. Les morceaux de bravoure sont légion, de 'Momentum' mené à 100 à l'heure, à la longue suite à tiroirs 'World Without End' dans la plus belle tradition du progressif, en passant par le curieux "Thoughts Part 5", la magnifique ballade 'Smoke And Mirrors', et les deux sucreries pop-rock 'Weathering Sky' et 'Freak'. Tout n'est certes pas parfait ('Weathering Sky' est un rock sans véritable originalité, le final de 'World Without End' sombre un peu dans le pompeux) mais pris isolément, "Momentum" est incontestablement une réussite.
Comparé aux opus précédents, ce serait faire preuve de mauvaise foi que de nier une forte ressemblance entre le petit dernier et ses ainés. Neal Morse a un style tellement reconnaissable qu'il s'en trouve prisonnier, comme ces acteurs de série à succès, associés au personnage qui les a fait connaître au point que le cinéma ne leur offre pas d'autre rôle. Le sentiment d'avoir déjà entendu ces mélodies est tenace et ne vous attendez pas à ressentir le doux frisson de la nouveauté. Cette constatation faite, le disque soutient crânement la comparaison : l'interprétation est toujours aussi impeccable, les duels claviers/guitares arbitrés par une rythmique d'exception, les mélodies aussi charmantes et consensuelles, suffisamment complexes pour être appréciées d'un amateur de prog et suffisamment immédiates pour convenir à un adepte de rock FM, les titres aussi variés, passant de la chanson sentimentale guimauve juste ce qu'il faut ('Smoke And Mirrors') à des solos de guitare métal ('Losing Your Soul', 3ème partie de 'World Without End') ou encore à de la pop légère agrémentée de staccatos de cordes ('Freak'). Même en le confrontant aux autres, "Momentum" est incontestablement une réussite.
En conclusion, voilà un fort bel album recommandable à tous ceux qui aiment les envolées symphoniques et les mélodies lyriques saupoudrées d'une bonne dose de virtuosité ayant le bon goût de rester discrète (c'est ça, la marque des grands !). Seuls les personnes souffrant d'une allergie morsienne chronique se tiendront à distance respectable de l'objet sous peine de démangeaisons insupportables.