Ils sont Anglais, ils aiment le Doom, le vrai, celui qui ne se noie ni dans une mare de claviers funéraires ni dans le lyrisme mélodique, celui qui donne l'impression d'écouter un 7 pouces en mode 33 tours, celui où le batteur a le temps d'aller pisser entre deux coups de caisse claire. Ils aiment Cathedral dont le Forest Of Equilibrium et le chant de canard enrhumé leur a servi d'engrais. Bref, on comprend pourquoi Lee Dorrian, boss du label Rise Above et, rappelons-le, chanteur et fondateur du dit Cathedral, a signé Witchsorrow alors que celui-ci n'avait qu'une seule démo sous le bras et dans lequel il a (forcément) trouvé un groupe selon son cœur.
Et tant pis si le trio, où l'on repère avec joie un petit bout de femme à la basse (Emily Witch : ça ne s'invente pas), ne saurait passer pour la plus grande découverte depuis Black Sabbath car le Doom est avant une histoire de valeur(s) et de foi, plus que d'innovation à tout prix. C'est une religion à laquelle les fidèles, de plus en plus nombreux, le sont justement, fidèles, accueillant dans leur bouche toutes les hosties qu'on leur offre. Ce fut ainsi le cas de la première enclume éponyme de ce groupe originaire du Hampshire, grâce à laquelle il dévoilait déjà une propension pour les plaintes pachydermiques ne descendant guère en-dessous des 10 minutes au garrot.
God Curse Us est de nouveau un bloc massif et minéral que fissurent juste un court instrumental sinistre à souhait ("An Antiquo") et un titre étonnamment court (comprendre moins de cinq minutes) qui voit le socle Doom être transpercé par des éclairs Heavy-Metal et de salvatrices accélérations ("Breaking The Lore"), construction que par ailleurs tous les autres titres répètent, Witchsorrow ne se départissant jamais (ou si peu) d'un canevas unique basé sur un monolithisme d'une extrême pesanteur, que vient briser en toute fin de parcours une brusque éruption digne du Sabbath originel et du Cathedral de l'âge d'or. "Aurora Altra" ou "God Curse Us" illustrent cette structure quasi-immuable, déjà à l'œuvre sur le disque précédent. S'ils ne s'emballent pas durant leurs dernières mesures, "Den Of Serpents", ou bien "Masters Of Nothing", s'achèvent néanmoins au fond du gouffre que creuse la guitare granitique du chanteur Nekroskull.
Dommage que le groupe ne cherche pas davantage à briser une trajectoire connue d'avance, quand bien même certains détails, comme l'intro très seventies de la piste finale par exemple, témoignent, de manière timide, d'un soupçon de variation sans lesquels God Curse Us n'échapperait pas à un caractère impavide bien que totalement assumé. Il s'agit en définitive d'un bon album de Doom à la lenteur étudiée mais parfois assommante pour qui n'est pas sensible au genre, signé par un groupe dont la modestie le rend attachant à défaut d'être indispensable.