En 1972, Uriah Heep sort deux albums qui resteront des pièces majeures d'une riche discographie. Selon de nombreux fans, ce "Demons And Wizards", suivi quelques mois plus tard de "The Magician's Birthday", marque l'apogée d'un groupe n'ayant pourtant à l'époque que deux ans d'existence.
L'arrivée de Gary Thain à la basse et de Lee Kerslake à la batterie, renforce un line-up déjà bien solide, et ce sang neuf semble donner un coup de fouet à la créativité des autres membres. Les colorations progressives qui commençaient à poindre dans les albums précédents, éclatent enfin au grand jour. Uriah Heep se démarque complètement des productions hard-rock de l'époque. Ken Hensley compose des mélodies luxuriantes taillées à la démesure symphonique de ses claviers. La voix haut perchée de David Byron est souvent épaulée en chorus par celles de ses collègues musiciens, donnant des chants riches et puissants.
Sur cet album, le groupe alterne le frais et le brûlant, le calme et le tempétueux. Si "The Wizard", qui ouvre le bal, démarre sur les notes douces d'une guitare acoustique et des vocaux aériens, ce n'est que pour monter lentement en puissance, annonçant le turbulent "Traveller In Time", et surtout le court mais décapant "Easy Leavin'". Ce dernier fait partie des incontournables du répertoire et on ne concevrait pas un concert, même de nos jours, sans que le groupe ne l’interprétât.
Que ce soit sur un tempo rapide et enjoué ("All My Life", "The Spell"), sur un rythme medium avec ambiance lourde ("Circle Of Hands", "Rainbow Demon"), ou en format ballade acoustique ("Paradise"), chaque titre a son charme, celui de la nouveauté, de la créativité. Dans ces années 70, à l'instar de nombreux groupes émergeant à cette période, Uriah Heep invente son style, un hard-rock symphonique et mélodique qui ouvrira des horizons nouveaux largement exploités depuis. Sans doute que les auditeurs qui n'ont pas connu cette époque, trouveront le son pas assez propre, la production indigne d'un groupe professionnel, mais c'était là toute la chaleur de la passion brute, bien avant que la cold wave vienne aseptiser le rock.
Tous les fans un peu anciens de Uriah Heep, connaissent et possèdent cet album. Reste aux plus jeunes à se pencher sur ce trésor avec une oreille reliée directement au cœur. "Demons And Wizards", comme beaucoup de productions du début des années 70, n'est pas devenu culte uniquement par manque de concurrence, mais surtout parce qu'il a posé de nouvelles bases en osant mélanger hard-rock et symphonisme.