Quand bien même le genre n'a sans doute jamais rencontré autant de succès qu'aujourd'hui, le Doom reste un art foncièrement underground dont peu parviennent à vivre. Ce qui explique pourquoi nombreux sont les groupes honorant ce style à mener une carrière en pointillés, émaillée de longues périodes d'abstinence. Faal est de ceux-ci. Découverts en 2008 grâce à Abhorrence-Salvation, première pierre tombale de bonne mémoire, les Hollandais n'avaient malheureusement plus donné signe de vie (ou de mort, en ce qui concerne un tel art de la douleur) depuis. Et alors que nous nous étions faits une raison, The Clouds Are Burning marque leur retour, quatre ans plus tard.
Des Pays-Bas, on connaît ses images d'Epinal, ses moulins, ses tulipes, ses délicieuses vitrines et son Metal sympho (ou pas) à chanteuse, presque une spécialité locale. La scène extrême y est petite mais souvent curieuse. On y croise aussi bien du Black incantatoire (Urfaust), du Death ferrugineux façon panzer (Asphyx) voire du Doom mortifère (Bunkur et son fameux Bludgeon duquel nous ne dirons jamais assez de bien). Tous ont souvent en commun une même approche minérale, grisâtre. Faal ne déroge pas à cette règle. Il sculpte au burin de longues complaintes d'un Funeral-Doom abrupte que les claviers, tenus par la charmante Yara, ne recouvrent pas d'un linceul atmosphérique mais au contraire contribue à abîmer plus encore dans la fosse.
A l'image de son aîné, The Clouds Are Burning se révèle être une œuvre compacte, massive, seulement bâtie autour de quatre titres de plus de dix minutes chacun. Austère, elle possède cette capacité rare à avaler toute source de lumière alentour. L'entrée au fond de son intimité noire n'est pas aisée. De fait, celle-ci se mérite. Il faut passer "My Body Glows Red" puis "The Insistance's Wish", deux pavés d'un monolithisme absolu avant d'entrevoir une lueur de beauté, même pale, dans ce gouffre charbonneux. Egrenant des lignes de guitare tissant de véritables câbles de désespoir, "Tempest" distille ces lointaines mélodies engluées dans la tristesse, éclat fugace qui se conjugue à une architecture (un peu) plus dynamique, pour le genre, s'entend bien entendu et donc d'une façon toujours des plus pétrifiées. Malgré quelques accords squelettiques empreints d'une mélancolie souterraine et ses nappes synthétiques automnales, "The Clouds Are Burning" draine le sentiment d'une inexorabilité extrême, d'un repentir infini.
Bien qu'assez court, l'album a quelque chose d'une interminable procession de flagellants que seuls les fidèles les plus téméraires sauront apprécier à sa juste mesure, opaque et sentencieuse, et qui prouve une chose : que le Doom, dans sa dimension la plus funéraire, est plus que jamais une musique faite par des masochistes pour des masochistes. Car sinon, comment expliquer que l'on puisse ressentir des frissons à l'écoute d'un disque aussi vicié ?