Tout le monde l’espérait sans trop oser y croire, mais voilà qu’un nouvel album studio de Lynyrd Skynyrd débarque enfin sur nos platines. Il y avait déjà eu un live avec "Southern By The Grace Of God" sorti en 1988 et retraçant la tournée de reformation de l’année précédente, mais entre-temps, le combo a encore dû faire face à un nouveau décès, celui d’Allen Collins, ainsi qu’à un procès lancé par les familles des membres du groupe, victimes du crash de 1977. Mais le Sudiste a le cuir épais et ce sont 11 nouveaux titres qui composent ce sobrement intitulé "1991". Johnny Van Zant remplace donc son frère Ronnie au chant, Ed King fait son retour à la guitare aux côté de Randall Hall qui remplaçait déjà Allen Collins sur la tournée de reformation, et Kurt Custer vient renforcer la section rythmique qui comporte désormais 2 batteurs. Pour le reste, Rossington, Powell, Wilkeson et Pyle sont toujours fidèles au poste.
Qu’attendre d’une telle résurrection aussi risquée qu’ambitieuse ? Car Lynyrd Skynyrd est désormais passé au statut de légende, non seulement par sa discographie mais également par le drame qui a marqué ses membres, et il y a fort à parier que les nouveaux arrivants seront attendus au coin du bois par certains aficionados au caractère conservateur. Que ces derniers se rassurent car la nouvelle formation a le bon goût de trouver un juste équilibre entre le respect des traditions, sans pour autant tenter de singer les glorieux disparus, tout en intégrant quelques éléments d’évolution lui permettant d’affirmer son identité. Le Southern-Rock est bien-sûr à l’honneur et l’on se régale à l’écoute de titres tels que l’introductif "Smokestack Lightning" reprenant une recette traditionnelle à base de duels de guitares, de lignes dynamiques de piano, et de riffs et refrains accrocheurs.
Les principales évolutions viennent de la présence marquée de chœurs féminins qui apportent un côté gospel et soul très chaud et agréable ("Keeping The Faith"), mais qui peuvent également se révéler parfois un peu trop envahissants ("Good Thing"), alors que Billy Powell a rarement été autant mis en valeur, multipliant les soli enflammés ("End Of The Road"). Si la majorité des titres est d’une qualité enthousiasmante, "1991" souffre cependant d’un ventre mou avec "I’ve Seen Enough" et ses samples de discussions et ses couplets s’appuyant sur un simple chant – batterie, "Money Man" et ses interminables parties parlées par Randall Hall, ou "It’s A Killer" qui lorgne un peu trop vers le Hard-Rock malgré un nouveau superbe solo de piano.
Ces quelques défauts s’oublient cependant rapidement face au plaisir de retrouver la légende à nouveau vivante, et à l’écoute de perles telles que "Mama (Afraid To Say Goodbye) ", épopée southern comme on les aime, avec son intro piano-guitare, sa slide, et son banjo, le catchy "Backstreet Crawler" au groove et à l’accélération finale irrésistibles, ou "End Of The Road" dont l’intensité monte en puissance avec maitrise, même si, pour ces 2 derniers titres, nous aurions apprécié que les chevauchées finales se prolongent quelques minutes supplémentaires.
"1991" est un retour aux affaires plutôt réussi malgré les pressions qui l’entourent et il reste à espérer que Lynyrd Skynyrd sera désormais épargné par les drames afin de pouvoir continuer à nous offrir de nouveaux albums de cette trempe. A moins qu’il ne tire son inspiration de toutes ses souffrances…