S’il n’a pas atteint la renommée de son célèbre compère, Captain Beefheart (de son vrai nom, Don Van Vliet) n’en trône pas moins au Panthéon des précurseurs musicaux des années 70 aux côtés de Frank Zappa. Décédé à la fin de l’année 2010, il avait quitté le circuit en 1982 pour se consacrer à la peinture. Il a cependant fortement marqué le monde du blues qu’il avait affublé d’éléments psychédéliques et expérimentaux, son album référence, "Trout Mask Replica" (1969) ayant atteint des sommets dans ce domaine, empêchant le capitaine de toucher les foules en masse, mais lui donnant droit à un immense respect et une reconnaissance de la part du milieu. Alors qu’il tournait en Allemagne pour promouvoir ses albums "The Spotlight Kid" et "Clear Spot" en 1972, il passe par une émission télé à Brême. Les répétitions qu’il fait dans le studio avec son Magic Band sont filmées et ce sont ces bandes que Gonzo Multimédia sort en DVD cette année.
Composé de 9 pistes pour à peine une demi-heure, ce document est essentiellement destiné aux fans ou à ceux qui souhaitent découvrir l’artiste sans pour autant se plonger dans sa riche discographie, d’autant que seulement 5 titres sont réellement présentés ici, "Click Clack" ayant fait l’objet de 2 prises, et "I’m Gonna Booglarize You Baby" de 3, dont celle ayant finalement été présentée en direct. La première piste est en fait un solo de basse réalisé par Rockette Morton, qui alterne cet instrument avec la guitare selon les titres, alors que la cinquième piste est une présentation des musiciens par Beefheart, présentation complètement inutile, le cadreur restant fixé sur le seul Winged Eel Fingerling à cette occasion. Le gros plan est d’ailleurs souvent utilisé, ce qui permet de profiter de la technique des musiciens et de leurs tenues bariolées, mais qui prive singulièrement le spectateur de la dynamique de groupe.
Quel est l’intérêt de ce DVD vous demanderez-vous alors ? Tout d’abord, il permet de constater l’imagination débordante de cette période bénie. Au-delà des tenues fleuries et aux couleurs vives, et autres monocles et ongles vernis noirs, la créativité artistique débouche aussi bien sur des titres complètements déjantés (l’instrumental "Steal Softly Thru The Snow" qui part dans tous les sens de manière quasi-aléatoire), s’envolant vers des couches atmosphériques aux couleurs de fumées hallucinogènes ("Golden Birdies" sur lequel Beefheart déclame son texte face à une guitare lui répondant par quelques notes improvisées), mais également des riffs en boucle devenant hypnotiques ("Click Clack") par lesquels le Captain réussi à nous entrainer dans sa transe au son de sa voix grave et à grand renfort de cris sauvages ("I’m Gonna Booglarize You Baby").
Ceux qui connaissent déjà l’artiste mais qui n’ont pas accroché, resteront sur leurs positions. Les amateurs seront aux anges, et les néophytes pourront se faire un premier avis sur ce monument en quelques minutes. D’une grande pauvreté technique et d’un intérêt artistique très limité, cet objet ne trouvera grâce qu’au regard du caractère collector qu’il représente pour les fans absolus, et de l’hommage qu’il rend à un artiste qu’il serait dommage d’ignorer, même si l’accès à son monde n’est pas donné à toutes les oreilles.