Blood Lust pourrait être le titre d'un film d'horreur de série B, c'est peut-être le cas du reste, made in Hammer ou signé Hershell Gordon Lewis ("2.000 Maniacs" pour les néophytes) mais il s'agit surtout du second voyage dans le temps concocté par Uncle Acid & The Deadbeats, formation anglaise qui se réclame autant aux sixties qu'aux productions horrifiques qui vont avec. S'il serait tentant, sinon commode, de faire du trio un simple participant de plus à tout ce revival occulte psyché années 70 biberonné aux séries Z, celui-ci mérite pourtant mieux que ce raccourci facile et ce, pour plusieurs raisons.
D'une part, le groupe, assez mystérieux, sur lequel on ne sait pas grand chose (très peu de photos circulent qui plus est), peut se targuer de posséder ce que les autres n'ont pas, ce Uncle Acid lui-même, responsable des guitares, des claviers et surtout du chant. Ce chant androgyne qui évoque tout d'abord celui d'une femme, par exemple celui de Farida Lemouchi de The Devil's Blood, formation culte avec laquelle les Anglais nouent une proximité évidente, mais qu'une écoute attentive lui rend sa vraie et troublante nature. De là découlent une étrangeté qui finit par perturber l'ensemble ainsi qu'une personnalité déjà bien affirmée.
D'autre part, un talent fou circule clairement dans les veines de ces musiciens, certes anachroniques, mais qui restaurent avec panache cette patine chaude et généreuse tant fantasmée aujourd'hui, celle d'une époque éprise de liberté où tout restait à faire. De fait, Blood Lust a des allures de classique instantané, vomissant des hymnes à foison, au point de ne plus savoir où donner des oreilles.
Passée la porte d'entrée (ce "I'll Cut You Down" qui met tout le monde d'accord en cinq minutes), la demeure, forcément hantée, se referme sur nous. Les dangers sont tapis dans chaque pièce, ciselées avec minutie et au sens de la mélodie qui fait mouche, de l'ambiance qui accroche. On oscille du rampant "Death's Door", à "I'm Here To Kill You", enlevé et zébré d'un solo remuant, du long "13 Candles", sans doute la plus belle de toutes avec ses orfèvreries sinistres, ses guitares qui tissent une toile mélancolique au quasi doom "Withrered Hand Of Evil", hanté par un Mellotron ruisselant la magie noire par toutes les notes. Mais nous aurions pu également mentionner l'intégralité de ces huit titres (plus un bonus), tellement Blood Lust se confond avec un sans faute idéal car habilement équilibré, au son vintage garanti analogique, sans pourtant avoir l'air d'avoir été récemment exhumé par un archéologue faisant des fouilles dans la terre de la Perfide Albion.
Sorti en autoproduction, puis édité en vinyle par l'incontournable Rise Above (Blood Ceremony, Astra) qui ne pouvait passer à côté d'un tel trip nostalgique, gageons que ce groupe n'a pas fini de hanter les nuits de beaucoup d'entre nous, amoureux que nous sommes de ce mélange de Rock Doom psyché et de films d'épouvante gothique, inspiration intarissable. Un charme fou !