Depuis leur précédent album, quatre années se sont écoulées avant qu'Uriah Heep ne retrouve le chemin des studios et ne sorte "Sea Of Light" dont la pochette dessinée par Roger Dean rappelle celles créées pour Yes ou Asia. Pochette trompeuse car la musique de l'album est loin de ces paysages de verdure, d'iles flottantes et de ciel azur.
Uriah Heep n'a effectivement pas eu l'idée de se convertir subitement à un quelconque folk pastoral ou autre rock atmosphérique, et l'énergique entrée en matière que constitue 'Against The Odds' le prouve immédiatement d'un riff de guitare incisif et de quelques roulements de batterie vigoureusement assénés. A peine remis de nos émotions, et passablement décoiffés par une musique aussi véloce que vivifiante, le groupe remet ça avec 'Sweet Sugar' à la lourdeur efficace. En fait, c'est toute la première moitié de l'album qui baigne dans un hard-rock puissant et réussi, n'accordant à l'auditeur qu'un bref moment de répit avec la belle ballade qu'est 'Mistress Of All Time'.
La seconde partie du disque est plus contrastée, même si elle conserve une belle énergie. 'Spirit Of Freedom' tient plus de l'AOR que du hard, d'Asia que de Deep Purple, alors qu'on retrouve un mélange des deux sur 'Logical Progression', avec même une (très) légère pointe de prog en prime. Si 'Words In The Distance' et 'Fires Of Hell (Your Only Son)' renouent avec un hard-rock pur et dur, 'Love In Silence' et 'Dream On' développent des mélodies soyeuses.
Certes la complexité des mélodies n'est pas l'apanage du groupe. Le plus souvent, les titres tournent autour d'une ou deux phrases musicales, respectant une structure couplets/refrains/pont des plus conventionnelles. Seuls 'Logical Progression' et 'Love In Silence' font preuve d'une certaine recherche. Néanmoins, cette simplicité sied au disque, les compositions bien troussées et dynamiques s'en trouvant facilement mémorisables.
La production très claire fait la part belle aux guitares de Mick Box, très en verve sans pour autant étouffer les autres instruments. La rythmique, assurée de longue date par Trevor Bolder et Lee Kerslake, est d'une efficacité qu'il n'est plus utile de vouloir démontrer. Si les claviers de Phil Lanzon peinent à exister sur les premiers titres, ils sont plus prolixes sur la seconde moitié de l'album. Les chœurs qui ornementent tous les albums du Heep sont amples et généreux, parfaitement bien employés. Seule exception, leur intervention inopportune sur 'Dream On' s'avère rapidement agaçante. On aurait préféré profiter sur ce titre de la seule voix de Bernie Shaw, aussi à l'aise pour interpréter la révolte ou la frustration qu'en chanteur malheureux, et qui réalise un sans-faute particulièrement convaincant.
"Sea Of Light" n'est probablement pas l'album le plus innovant qui soit, mais doté de mélodies réussies et d'une interprétation de qualité, il se révèle le compagnon idéal pour vos prochains moments de blues.