Quand bien même il demeure inférieur à ses trois prédécesseurs, King Of The Kill, Refresh The Demon et Remains, preuve en est qu'aucun de ses morceaux n'est plus joué sur scène depuis longtemps, Criteria For A Black Widow, en tentant de reproduire la recette qui avait si bien fonctionné avec Alice In Hell, a remis Annihilator sur de bons rails commerciaux. Revigoré par ce succès et ses problèmes personnels désormais derrière lui, Jeff Waters décide alors de refaire ce qui était devenu au fil des années son jouet à lui seul (ou presque) en même temps que son laboratoire, un vrai groupe avec la dynamique qui va avec, même s'il reste l'incontestable maître à bord, rôle que personne ne se risquerait à lui contester. Si le batteur Ray Hartmann est reconduit après Criteria For A Black Widow, le revenant Randy Rampage ne dépasse pas la tournée qui suit cet album. Pour le remplacer, Waters jette étonnamment son dévolu sur Joe Comeau, un... guitariste ! Bien qu'officiant jusque là chez Overkill, avec lequel il a gravé les disques The Killing Kind, From The Underground And Below et Necroshine, on ne peut alors s'empêcher de se demander ce qu'il vient faire là, derrière un micro qui ne lui était à priori pas vraiment destiné.
Or, en l'espace d'à peine plus de cinq minutes, celles que dure "Denied", titre d'ouverture de Carnival Diablos, les doutes que nous nourrissions à l'encontre de la nouvelle recrue, sont balayés tel un fétu de paille. Aussi à l'aise dans le registre rugueux que dans celui haut perché d'un Rob Halford, Comeau s'impose d'emblée comme la pièce qui manquait au puzzle des Canadiens. Au jeu acéré de Waters répond désormais une voix à la fois puissante et mélodique, tant en étant variée, capable de s'adapter au style que le chef d'orchestre veut exploiter. Il suffit d'écoutez l'implacable "Shallow Grave" où il ressuscite le fantôme de Bon Scott pendant que Jeff chausse avec tout autant de brio les pompes des frères Young, ou le gigantesque "Epic Of War" dont la partie centrale ressemble à du Maiden pur jus avec imitation de Bruce Dickinson à l'appui, pour prendre la mesure d'un talent qu'on aurait jamais pensé reconnaître à celui qui n'était qu'une seconde lame au sein d'un Overkill lui-même en perte de vitesse. Il est La découverte de ce disque.
Résultat, dressant une inspiration et une énergie qui nous font suspecter chez lui l'absorption massive d'EPO, le guitariste accouche peut-être même avec Carnival Diablos de son meilleur album à ce jour, renvoyant un Criteria For A Black Widow, trop nostalgique bien que toujours efficace, dans le bac à sable de la maternelle en terme de puissance de feu. C'est bien simple, il n'y a rien, absolument rien à jeter parmi ces onze brûlots tous plus énormes les uns que les autres que propulse la machine à riffs Jeff Waters. Pendant près d'une heure, Annihilator galope, outre les cartouches déjà citées, entre Thrash rampant ("Timebomb", "The Perfect Virus") ou franchement speed ("Battlefield") et n'a pas peur de surprendre avec une pause instrumentale ("Liquid Oval") ou un titre au refrain mélodique, que contrebalance néanmoins la rythmique de bûcheron habituelle chez le guitariste, sans oublier le terminal "Hunter Killer" qui, du haut de ses 9 minutes, reste la compo la plus longue jamais écrite par le groupe.
Ce premier opus publié hors du giron Roadrunner, ouvre pour Annihilator un nouveau chapitre dans sa carrière, sans doute le plus riche tant en terme de quantité (presque une rondelle par an jusqu'en 2007 !) que de qualité, ce que confirmera l'année suivant le bien nommé Waking The Fury.