40 années que le père Descamps nous distille son rock progressif gaulois, mais jusqu'où iront-ils ?
20 années que la version originale du groupe a mis la clé sous la porte, pour ressusciter sous une forme approchante (Gens de la Lune) ou disparaître de la circulation ; Exode
10 ans que Caroline Crozat venait y apporter sa folie douce : Rideau.
Contre vents et marées, le Père continue son chemin, indifférent au peu d'échos médiatiques que suscite "le plus grand groupe de rock français", jouant au Souffleur de Vers pour le plus grand plaisir d'une base de fidèles "imbibés".
Alors quand paraît Moyen-Age dans son magnifique écrin superbement illustré par l'immortel Phil Umbdenstock, quoi d'autre à faire que de se caler dans un fauteuil, écouteurs sur les oreilles, un grand Verre de Rhum blanc, à la main !, et se laisser emporter Au-Delà du Délire …
L'ouverture sonne comme les grands classiques du groupe : cette Tueuse à Gages aurait très bien pu orner un Sève qui Peut ou Les Larmes du Dalaï Lama. De la même manière, Le Cri du Samouraï semble tout droit sorti de Vu d'un Chien. Voilà qui rassure d'entrée le fan quant à la qualité de l'œuvre présentée. Alors certes, Caroline Crozat, après avoir orné de sa touche féminine la musique du groupe durant une décade entière, s'en est allée. Relation de cause à effet, Ange semble avoir recentré sa musique sur ses basiques : titres épiques aux accents médiévaux (Opéra Bouffe), aux harmonies rappelant fréquemment ses heures de gloire, avec par exemple le retour, certes sous une forme modernisée, des montées chromatiques si chères à tonton Francis (Entre les Gouttes) ! Mais surtout, surtout, une attention toute particulière semble avoir été portée à ce qui fait l'essence même du groupe depuis son origine, à savoir les mélodies. Loin des productions récentes qui avaient pour principal défaut de vouloir sonner moderne à tout prix, en oubliant parfois quelques fondamentaux mélodiques, les douze titres proposés vont majoritairement réveiller quelques souvenirs plus qu'agréables aux oreilles des familiers du groupe, et incruster leurs arabesques au plus profond des centres émotionnels.
Posé par-dessus tout cela, on trouve bien entendu le verbe acerbe et caustique de Christian Décamps, dénonçant tour à tour la société de consommation ou la gouvernance moyenâgeuse de Sarkoléon, tout en glissant au milieu de tout cela une poésie sublime, ode à l'amour qui lui est si chère (le superbe Entre les Gouttes). Certes, comme il le reconnaît lui-même, J'm'amuse à faire des rimes faciles sur un monde austère et cupide, certains vers valent plus par leur sonorité que par leur fond. Il n'empêche, notre homme n'a rien perdu de sa verve et son agilité textuelle enlumine de nouveau les 67 minutes de l'album. Et pour ceux que toute cette prose n'aurait pas pleinement convaincu, sachez que l'on ressent même le souffle du grand Emile Jacotey parcourir certaines compositions, et notamment le magique (facile !) Abracadabra. On pardonnera alors d'autant plus aisément les quelques instants de faiblesse, comme par exemple le monolithique et longuet Un Goût de Pain Perdu, que la mélodie magique de la petite perle Camelote vient néanmoins immédiatement compenser.
Comme pour d'autres groupes à la discographie longue comme un jour sans pain (cf notre récente chronique du dernier album de Marillion), Moyen-Age sera inévitablement comparé à ses prédécesseurs. Malgré toutes les références citées dans cette chronique, il ne s'agit pas, loin s'en faut, d'un album-nostalgie. Mais, par rapport aux dernières productions du groupe, il sonne bizarrement comme … l'album de la maturité !!! Comme si Ange venait de trouver sa deuxième voie, synthèse entre sa première époque et les productions modernes qui ont suivi. Alors, alors, Faut vous dire monsieur, que Chez Ces Gens-là … bref, ne passez pas à côté de ce bel album, émotions rares garanties.