Mine de rien, l'infatigable Robert Cray, bien qu'issu de l'avant-dernière génération des grands Bluesmen (celle des années 80), commence à prendre de l'âge. Mais ce n'est pas cela qui va le freiner, bien au contraire. Ce contemporain des grands Stevie Ray Vaughan et Taj Mahal approche doucement, avec ce "Nothin' But Love", de sa vingtième galette et il faut bien avouer qu'avec les années, son Blues, déjà novateur il y a vingt ans, se teinte d'une robe pourpre et d'un gout feutré à faire passer les meilleurs millésimes pour de la piquette.
Vous l'aurez bien compris, en matière de Blues, Cray est désormais intouchable, déjà dans la légende, comme une Rolls dans le monde de l'automobile. Et comme il n'y a pas de hasard dans le monde de la musique, c'est Kevin Shirley, producteur de Metal mais aussi de Blues (voyez où il a emmené Bonamassa) qui donne chaleur, authenticité et vie aux 11 titres ici présents. La formule de Cray reste la même, des textes bien pensés et encore mieux narrés dans un Blues unique, enrichi du parcours et des influences respectives de chacun de ces musiciens/compositeurs. Ainsi, comme le dit lui-même le maestro, un titre peut prendre un goût plus doux et nostalgique, comme sur l'opener '(Won't Be) Coming Home' aux cœurs doucereux et que Jim Pugh habille de claviers lancinants, un gout d'Easy Be Bop sous les touches de piano sèches et cristallines de 'Worry' sur lequel Robert nous offre un solo enlevé, un gout de Soul (fort répandu ici) comme sur un 'I'll Always Remember You' plus classique (dans une veine smoothie et clinquante) et gavé de cuivres, ou 'A Memo' et 'Fix This' évoquant à eux deux le Soul/Blues d'un Joe Louis Walker , voire un gout de early Rock N'Roll avec 'Side Dish'.
Et si Cray propose majoritairement des formats concis, il aime encore s'épandre, guitare à la main, sur de longues pièces comme le monumental 'I'm Done Cryin' aux allures de bolero nappé de violon, ou le plus court 'Great Big Old House' qui cristallise avec brio tout ce qui peut se dégager du simple déhanché d'un (ou d'une) artiste noir. Le '100 Miles' final, bien plus dynamique et qu'un Maceo Parker n'aurait pas renié vient clore ce bel ouvrage qui, une fois de plus, n'aura pas eu l'occasion de nous lasser un seul instant, toujours attentif que nous sommes au phrasé du maître, à ses interventions divines à la six cordes et aux nombreux gimmicks et breaks bien pensés de ses acolytes.
S'il ne révolutionnera pas le genre, "Nothin' But Love" est une autre production impeccable de ce grand et humble Monsieur, parmi les toutes meilleures de ces années 2000, idéale pour découvrir Robert Cray ou prolonger le plaisir partagé si vous êtes fans de la première heure.