Et si on parlait Rock Français pour changer ? Thématique rare allez vous dire et vous auriez bien raison car depuis le retour de Blasphème il y a deux ans et les petits derniers de Manigance et de Satan Jokers l'an passé, nous n'avons pas eu grand-chose de qualité à nous mettre sous la dent. 2012 allait-il nous laisser pantois devant un vide sidéral ? Hé bien non, car voilà que déboule, devant nos torses bombés de patriotes, le second opus d'un groupe dont les quelques 300 concerts (notamment avec Vulcain) qu'il a désormais à son actif ont laissé quelques traces dans la mémoire des visiteurs de plusieurs salles mythiques comme Le Gibus, la Cigale, le Divan du Monde ou de festivaliers (RaismesFest, Sonisphère). Incry est son nom et la Seine et Marne son berceau.
Les groupes français de Rock ont un handicap particulier et supplémentaire (que n'ont pas les combos anglophones) pour réussir un bon album, c'est de devoir soigner leurs paroles pour autant que leur choix se porte sur la langue de Molière. De ce fait, rares sont les groupes qui assument cette difficulté et qui n'optent pas, afin d'éviter le piège, pour un chant en anglais. Incry ose le pari et nous propose un album entièrement en français. De ce point de vue là, c'est une totale réussite. Que les paroles soient engagées ou poétiques, les rimes ne font pas dans l'emporte-pièce, elles sont posées naturellement et les phrasés ne donnent pas l'impression d'une association forcée de mots, ils véhiculent une particulière limpidité. On peut ainsi évoquer un certain lyrisme dans l'expression des propos.
Cette qualité aurait plus de difficulté à s'affirmer si l'homme au micro ne développait pas les qualités qui font d'un frontman un atout pour un groupe. Kourros est de ceux-là. Son chant et soigné et généreux, il alterne voix claire et sons rauques avec bonheur et parvient naturellement à véhiculer, tour à tour, hargne et douceur. Associées à son charisme, ces caractéristiques nous donnent envie de prêter attention à ce qu'il nous raconte. Ses petits camarades de jeu sont au diapason, que se soit Tristan qui balance comme s'il en pleuvait des riffs énergiques et incisifs et des soli techniques et mélodieux (écoutez celui qui achève "l'Elan") mais également le binôme basse/batterie – Did/Tatoo – qui assoit solidement les compositions.
Bon, tout cela est bien sympathique mais que nous propose Incry, quel type de Rock a-t-il choisi, quelles sont ses références ou plus précisément de quelles références se rapproche-t-il ? Hé bien disons que le groupe nous ramène, c'est en tous cas la première impression, à Trust. Mais la comparaison est loin d'être aussi simpliste car les références qui peuplent l'opus sont légion et la musique d'Incry est plus riche et variée que celle de la bande à Bernie. Au détour d'un riff, d'un solo, d'une mélodie ou d'une structure, on voit passer, entre autres, Vulcain, Satan Jokers, Maiden et d'autres combos tels que Faith No More, Metallica, ou Nirvana. Le fil conducteur, et ce n'est pas la moindre performance du combo, c'est la qualité mélodique des titres et là, franchement, ça en impose. A tel point que certains morceaux mériteraient qu'on leur offre leur chance sur les ondes ("Le Meilleur" - voir la vidéo ci-dessous, "Pourvu qu'Un Homme", "Inattendue", "C'est Si Bon"…) au vu de leur dynamisme, de leur sens du groove et de leurs mélodies fédératrices.
Entre Rock et Métal, Incry nous envoie avec ce "Rock.fr" une bonne claque derrière la tête mais également une preuve supplémentaire que nous avons notre mot à dire dans le monde du Rock avec notre production locale, pour peu que l'on prenne la peine d'ouvrir ses oreilles avant de critiquer, voire même simplement de chercher à écouter plutôt que de zapper sous prétexte que la France ne peut que faire pitié en matière de sorties musicales rockeuses. Franchement, prenez le temps de vous pencher sur cet album, vous risquez de passer rapidement de la case "surpris" à la case "accro".