Voilà un disque curieux. Original, devrais-je dire. Le genre de disque dont on se dit, à l'écoute du premier morceau, qu'il va être très prédictible et qui a le bon goût de surprendre l'auditeur en zigzagant entre les ambiances, tout en conservant une grande cohérence de ton, ce qui n'est pas une mince affaire. L'auteur de ce trublion ? Une artiste française qui assure, outre le chant, toutes les parties instrumentales et qui raccourcit son nom de scène à la seule initiale de son nom de famille. Aube L a donc décidé de nous faire partager son monde souvent mélancolique, parfois révolté, parfois romantique, rarement optimiste. Les thèmes qu'elle visite parlent de solitude, de désespoir, d'indépendance, d'imperfection humaine mais aussi de fraternité, d'amour et de l'importance de vivre l'instant présent. Vaste programme.
Pour les partager, elle ne choisit pas la voie de la facilité. Oubliez les tubes FM et les bluettes, Aube L fait partie de ces chanteurs décalés qui, pour mieux transmettre leurs émotions, sacrifient volontiers harmonie et mélodie. Les structures s'éloignent souvent de la chanson traditionnelle pour être remplacées par des cycles hypnotiques aux teintes électro ou par un trip post-rock, quand on ne bascule pas carrément dans une musique expérimentale. Les claviers sont aigrelets, les guitares saturées, la percussion un poil trop mécanique. Mais, et c'est l'un des charmes de "Stars In Your Scars", vous êtes cueillis au détour d'un titre par des arrangements de cordes synthétiques ('Hi Love Hi Life'), une guitare acoustique ('I Promise To Myself') ou un tambour guerrier ('En Marche'), quelques exemples des nombreuses surprises que contient le disque.
Mais surtout, il y a la voix. Cette voix surprenante, androgyne mais capable d'excentricité dans les aigus, mélancolique mais traversée d'éclairs de révolte, dont la fausseté assumée participe à la fragilité et au charme du personnage. Difficile de rester de marbre devant une telle sincérité qui confine à l'impudeur d'une âme mise à nu. Certes, cet exhibitionnisme des sentiments peut en rebuter plus d'un, mais pour peu qu'on soit sensible à ses fêlures, la voix d'Aube L devient un incroyable vecteur d'émotions. Les petites histoires prennent corps et chaque chanson se transforme en une douce souffrance.
Croisements parfois improbables entre Aaron ('We Never Walk Alone'), Sigur Ros ('Get Out', 'Stars In Your Scars'), Archive ('Get Out'), Lou Reed ('I Promise To Myself'), Kraftwerk ('Deserters'), Björk ('Stars In Your Scars'), Lacrimosa ('Love's Veil', titre caché à la fin de 'Stars') et même Alain Souchon ('En Marche'), Aube L visite une myriade d'univers, mitoyens mais différents, entre bonheur timide, expérimentation hardie, solitude glacée, désespoir abyssal et folie angoissante.