Trois années après la sortie d'Emëhntëhtt Rë, album venu boucler une trilogie entamée dans les années 70, Magma et son leader emblématique Christian Vander publient ce qu'il convient d'appeler de nouvelles compositions, toutefois rodées sur scène depuis 2009.
Passons rapidement sur Les Hommes sont Venus, titre vocal sobrement accompagné au glockenspiel et à la flûte, mais dont le caractère répétitif et sibyllin déclenche rapidement l'ennui, pour nous concentrer sur Félicité Thösz, pièce à tiroirs de 28 minutes découpée en 10 mouvements enchaînés. Après deux coups de semonce venant mettre en condition les oreilles de l'auditeur, la première partie enchaîne les thèmes chantés par les voix féminines, sous forme d'une progression martiale (Dzoi notamment), au cours de laquelle le piano constitue le principal support. La batterie de Christian Vander reste plus que discrète, celui-ci se contentant la plupart du temps de titiller les cymbales, tandis que la basse se fait chantante, jouant régulièrement dans les aigus. A noter la présence (inédite il me semble ?) de chant en français en contrepoint du traditionnel kobaïen. Cette première partie se conclut de manière peu orthodoxe, du moins dans le cadre de la musique zeuhl conçue il y a plus de 40 années par Christian Vander, par Teha, chanson à la mélodie cristalline portée dans les aigus par Stella Vander, mais dont la simplicité détonne quelque peu sur un disque de Magma.
Les familiers du groupe ne seront pourtant pas au bout de leurs surprises puisque Waahrz vient couper l'album en deux sous la forme d'un solo de piano semblant interminable, et finalement de peu d'intérêt. Heureusement, les choses sérieuses reprennent ensuite avec une deuxième partie enfin furieuse, au cours de laquelle la musique de Magma retrouve enfin toute son ampleur : progression organique des vocaux, basse furieuse et déchaînement de rythmiques et de coups de batterie à contretemps ou sur les temps faibles, le piano restant là encore le maître de cérémonie. L'enchaînement Tsai / Ohst constitue ainsi le véritable temps fort de l'album, dans la lignée de Mekanik Destruktïv Kommandoh. Le duo Stella Vander / Hervé Aknin s'en donne ainsi à cœur joie, portant très très haut les vibrations véhiculées par cette frénétique sarabande orgasmique que l'auditeur reçoit tel un coup de poing en plein cœur. Malheureusement, alors que l'on souhaiterait quelques développements supplémentaires, tant la frénésie déclenchée par ces quelques minutes s'insinue avec bonheur au plus profond du cerveau, la fin sonne brutalement avec une conclusion abrupte et quelque peu décevante.
Morceau fortement remanié après son rodage en concert, Félicité Thösz contient tous les ingrédients habituels de la musique 'magmaïenne'. Cependant, il se révèle d'une accessibilité supérieure à ses prédécesseurs et pourra permettre une immersion 'sans risque' dans l'univers Zeuhl, habituellement sombre et hermétique pour les non-initiés. Les quelques travers relevés précédemment viennent néanmoins diminuer la qualité de l'œuvre, tandis que la courte durée de l'album rapportée à un prix de vente élevé risque de freiner les ardeurs de ceux qui voudraient se lancer dans la découverte du groupe par le biais de sa production la plus récente.