Contrairement à ce que sa pochette laisse croire, Waking The Fury n'est pas l'œuvre de cinq musiciens mais de trois, Curran Murphy (guitare) et Russell Bergquist (basse) n'ayant rejoint le groupe qu'une fois l'enregistrement achevé. Autour de l'indéboulonnable Jeff Waters, Joe Comeau a donc été reconduit derrière le micro, ce qui fait alors de lui le premier chanteur (outre Waters) a gravé deux albums d'Annihilator d'affilée ! On peut relever enfin le retour du batteur Randy Black, qui officiait sur King Of The Kill et Refresh The Demon, et dont Waking The Fury demeure la dernière collaboration avec le Canadien. Voilà pour le line-up de ce neuvième opus emballé très vite dans le sillage d'un Carnival Diablos couronné d'un succès autant critique que commercial, ceci expliquant sans doute cela.
Pour autant, on ne saurait réduire ce disque à une simple copie de son prédécesseur, à la fois plus varié et tout simplement plus réussi. Ramassé et d'une brutalité épidermique, Waking The Fury porte décidément bien son nom : il est une collection ininterrompue de grenades que le groupe dégoupille au bout de quelques secondes, ne s'embarrassant d'aucun préliminaire inutile. Fini les hommages appuyés aux pères fondateurs AC/DC ("Shallow Grave") ou Iron Maiden ("Epic Of War"), encore que certains titres ne sont pas sans les évoquer ("Striker"), exit la piste instrumentale ("Liquid Oval") de mise sur Carnival Diablos. Plus direct et homogène, l'album va droit au but, feu d'artifice de riffs saignants, de rythmiques façon rouleau-compresseur et de soli acérés.
Quelques joyaux émaillent son menu. Citons déjà "My Precious Lunatic Asylum" et "Ritual", tous les deux zébrés par les interventions jubilatoires du maître Waters. L'atomique "The Backest Day", l'opener "Ultra-Motion" et "Nothing To Me" dont les superbes premières mesures paraissent annoncer une power-ballad qui se transforme ensuite en un morceau de Hard rock survitaminé sur lequel plane l'ombre des frères Young, complètent avantageusement cet ensemble ramassé, tendu comme le foc d'un navire, et qui reste du Annihilator pur jus, speed et technique.
Alors qu'il semblait être le chanteur parfait, car celui qui au final peut le mieux prétendre se glisser dans les chaussures vocales de Waters, Comeau ne survivra pas à la tournée suivante, dont le Double Live Annihilation sera quelques mois plus tard le reflet. Au regard de la réussite de Carnival Diablos puis Waking The Fury, et nonobstant celles de leurs successeurs avec Dave Padden au chant, on ne peut que regretter ce départ, d'autant plus que l'ex Overkill a depuis, hormis un passage chez Tad Morose, plus ou moins disparu des écrans-radar : quel gâchis !