Si d'ordinaire les Canadiens jettent leur dévolu sur des formations parfois bien établies (Leviathan, Evoken...) ou sur le point de l'être (Dark Castle, Morne), c'est dans les profondeurs de l'underground américain le plus obscur que Profound Lore est allé chercher cette fois-ci, pour ramener vers la lumière du jour (tout est relatif) Tukaaria et son faux-frère jumeau Odz Manouk, deux entités ruminant un Black Metal affreusement malsain et primitif.
Comme à l'époque de la découverte des premiers Xasthur, il y a une dizaine d'années déjà, on se demande quand-même comment la Californie, temple du paraître et de la bonne santé affichée, peut accoucher de tels groupes... Qui du reste, n'en sont pas vraiment puisque qu'ils se confondent le plus souvent avec leur unique géniteur. C'est d'ailleurs le cas du sujet de cette chronique, chose du seul Tukaaria qui se charge de tous les instruments et des gargouillis.
L'objet que Profound Lore propose aujourd'hui, sous la forme d'un digipack A5, comme l'œuvre éponyme d'Odz Manouk, publiée conjointement de manière à souligner plus encore la parenté qui existe entre les deux projets, n'est pas à proprement parler le nouveau méfait du misanthrope mais une réédition de son premier - et à ce jour unique - album, sorti à l'origine en 2011 via Rhinocervs dont le catalogue renferme aussi les travaux d'Odz Manouk (encore). Aux six titres que Raw To The Rapine comprenait à la base ont été accolés ceux des deux splits que Tukaaria a partagé depuis sa naissance en 2010, tout d'abord avec Volahn, puis avec... Odz Manouk (toujours). C'est donc toute la (maigre) discographie qui se trouve agglomérée, défilant sur près d'une heure.
Bon mais, à quoi ça ressemble, Tukaaria ? Charbonneux, d'une négativité extrême, sinistre à tout le moins, tels sont les attributs qui viennent à l'esprit. Ni rapide ni lancinant mais un peu des deux, Raw To The Rapine n'a pas besoin d'étirer ses compos pour installer un climat ténébreux, pour recouvrir d'une atmosphère étouffante ce qui l'entoure, à l'image de "Glorifying Atrophy", lacéré par les coups de boutoir de guitares vicieuses. De même, "Transfixion" prouve qu'on peut en dire autant en terme de décrépitude terminale en moins de quatre minutes, montre en main, qu'en un quart d'heure de Black macérant dans les marais dépressifs.
De fait, Tukaaria restitue l'aura cryptique du mal originel, celui forgé par les brûleurs d'église norvégien avec en sus, ce sens du riffing typique de la chapelle US ("Raw To The Rapine", "Chasms In Creation"). Nous avons peut-être enfin trouvé la relève aux vétérans suicidaires Xasthur, Leviathan et Krohm dont il ne reste plus grand chose aujourd'hui. L'avenir nous dira si Tukaaria est fait de cette même étoffe lugubre. A suivre donc...