Trois ans après "Sea Of Light" qui sonnait comme une sorte de renouveau pour Uriah Heep, "Sonic Origami" suit une voie relativement similaire avec probablement un style globalement moins énergique, davantage de ballades (fort belles) et de morceaux plus ou moins typés AOR, mais tout cela est toujours arrangé de manière classieuse et variée, à l'anglaise, le tout sous la houlette du producteur Pip Williams (qui leur fait ici quelques arrangements orchestraux). Phil Lanzon utilise très souvent l'orgue Hammond avec un son proche de celui de Ken Hensley, en plus des synthétiseurs plus modernes, et parfois un peu de piano. On est désormais loin de l'époque allant de 80 à 91, le côté 'rock FM à l'américaine' a presque disparu, et même si les thèmes sont accrocheurs, le disque possède aussi une nuance épique, avec ces chœurs en voix de fausset lyriques, une tonalité plus solennelle, plus anglaise.
Le disque, dans son édition originale, avec 14 morceaux, dont un caché, frôle les 76 minutes et peut-être le groupe aurait-il pu retirer deux ou trois titres un peu moins forts. Par contre, que de beaux moments ! Déjà, le long titre rapide et progressif en ouverture, "Between Two Worlds", inspiré par les décès précoces de l'ex-chanteur David Byron et de l'ex-bassiste Gary Thain, est un chef d'œuvre à la "Return To Fantasy", ou presque ! Celui-ci, et le long "The Golden Palace", ballade progressive à la fois émouvante et symphonique de plus de 8 minutes où figure un véritable ensemble à cordes, méritent l'achat de l'album à eux seuls ! Et le court et rapide "Everything In Life" est un nouveau "Easy Livin' " ! Sur le total, on compte beaucoup de morceaux longs, plus ou moins progressifs, tous particulièrement réussis. L'album comporte également pas mal de ballades variées et joliment orchestrées par les claviers de Lanzon, où Mick Box se met souvent à la guitare acoustique. Les rockers diront qu'il y en a trop mais chacune possède un style particulier et elles sont toutes superbes (en particulier "Question" et "Across The Miles"). Par ailleurs, Box délivre aussi de superbes solos électriques et se diversifie sur le splendide "Shelter From The Rain" qui rappelle le Pink Floyd de "Dark Side Of The Moon" et où on croirait presque entendre David Gilmour et l'orgue de Rick Wright !
Les titres plus proches du genre rock FM sont parfois excellents. Ne faisons donc pas de snobisme : Uriah Heep sait aussi composer des hits avec des riffs de guitare simples mais efficaces, des rythmes qui donnent l'envie de se remuer, des arrangements de claviers et des chœurs dotés d'une personnalité propre. La section rythmique de Trevor Bolder et Lee Kerslake est excellente. Ajoutons enfin que Bernie Shaw chante de mieux en mieux, sa voix plutôt aiguë est très expressive et, curieusement, plus claire qu'à ses débuts dans le groupe.
Avec sa diversité et sa production soignée, "Sonic Origami" mérite bien son titre (l'origami étant au Japon la science complexe du pliage). Malgré toutes ses qualités, ce disque se vendra très mal alors que plusieurs morceaux sont des classiques ! Bref, "Sonic Origami" est plus que recommandable pour tout amateur du groupe ! A la suite à cet échec commercial, le groupe se concentrera pendant de longues années sur des concerts largement basés sur le répertoire des années 69-75, et la sortie de nombreux albums et DVD live de très bonne facture pour la plupart.