Si certains ne sont pas ce qu'ils ont l'air d'être, ce n'est pas le cas de Serpent Throne dont le nom évoquera - à raison donc - un quelconque pourvoyeur en plomb et amateur de sensations artificielles. Ils sont quatre américains et tentent l'accouplement fiévreux entre le Hard-Rock lesté de ciment à la Black Sabbath et le Heavy-Metal cher à l'ancêtre Iron Maiden pour les harmonies guitaristiques. On pense alors forcément un peu à toute l'école Hammers Of Misfortune / Slough Feg, hordes elles aussi tombées dans la marmite quand elles étaient petites.
Seulement voilà, Serpent Throne ne se contente pas, ce qui serait déjà tout à fait louable, de payer un simple tribut à ses figures tutélaires, car il a choisi de couler son Stoner - Doom dans un moule 100% instrumental O combien inspiré et bienvenu ! De fait, si le chant de canard enrhumé de Ozzy Osbourne et de ses enfants bâtards vous a toujours irrité les tympans, tout comme celui de ces vocalistes dont on l'impression qu'ils se sont coincés 'les parties intimes' dans la braguette, alors The Battle Of Old Crow, seconde enclume des Ricains après un Ride Satan Ride déjà de bonne mémoire, vous est clairement destiné !
Nostalgique d'une époque où la musique rimait avec vinyle comme l'indique la séparation en deux faces (même pour le cd !) d'un album clairement conçu pour ce format et pas un autre, les mecs conjuguent riffs épiques et acérés, semblant tout droit sortis d'un vieux Maiden période Killers, avec les aplats pachydermiques du proto-doom ("Red Moon Harvest"). Propulsé par des guitares velues typiquement US et mangeuses d'espace, dont elles sont les arc-boutants, The Battle Of Old Crow aligne dix titres au canevas ramassé qui, s'il reste toujours d'une redoutable efficacité grâce à un sens de l'accroche qui fait mouche et du riffing seventies, à l'image du morceau éponyme par exemple, a la bonne idée de ne pas mettre les ambiances en jachères. Alimenté par des riffs telluriques que ne renierait pas Tony Iommi, "Snakecharmer" l'illustre très justement avec son intro quasi-liturgique, sa basse généreuse et son tempo qui n'enclenche jamais la seconde. Il en va de même de "White Buffalo" qui, après une entame où les instruments paraissent embourbés dans le mazout, se met ensuite à galoper.
Jamais ennuyeux, Serpent Throne usine un rock graisseux et couillu qui balance une purée épaisse aux grumeaux terreux et porte dans sa chair les stigmates de son origine géographique que les influences NWOBHM ne parviennent jamais à gommer. Un grand disque dont le successeur, White Summer - Black Winter, poursuivra le travail avec plus de puissance encore.