On avait deviné depuis Golden, deuxième album d'une agréable fraîcheur, qu'on tenait en Eldorado un solide rejeton du grand Hard-Rock des années 70 à la sauce espagnole. Deux ans plus tard, Antigravity Sound Machine fait même plus qu'enfoncer le clou, il pulvérise le bois dans lequel était fait son prédécesseur dont il reprend la matière, chaude et généreuse, quelque part entre Deep Purple (on se souvient de la reprise de "Mistreated" sur En Busca De Eldorado) pour les soli et Aerosmith pour le chant chaleureux de Jesus Trujillo, tout en l'enrichissant d'une touche plus psychédélique, laquelle toutefois pointait déjà sur Golden.
A l'instar de ce dernier, Antigravity Sound Machine démarre sur les chapeaux de roue, enchaînant des brulots lumineux de l'acabit de "Maybe Forever", où la voix à la fois sexy et chauffée au soleil de Jesus emporte (déjà) tout avec ses séduisantes harmonies vocales, et "Mr. Saturn" à la rythmique assez lourde que teinte une ambiance bluesy,ou "Like A Lost Child" dont l'entame psyché nous évoque le Purple de Come Taste The Band et son démentiel "You Keep On Moving". Cependant, cette troisième offrande ne s'essouffle absolument pas en cours de route, maintenant une inspiration qui jamais ne faiblit, quand bien même la dernière ligne droite, dominée par de belles ballades à l'image de "Lady Of The Mountain" qu'illumine le jeu suant de feeling du guitariste Andres Duende, marque (un peu) le pas.
Mais c'est vraiment chercher la petite bête, car comment résister à une galette où trônent des perles telles que "Searching For Night" aux mélodies entêtantes, et plus encore "A Farewell To November", pièce flamboyante débutant à la manière d'une power-ballade enfumée car nappée d'une brume psyché avant de décoller vers la stratosphère 'floydienne'. Encore une fois, Jesus se montre magistral, déclenchant des frissons à la moindre parole prononcée, véritable clé de voûte de cet eldorado qu'il enflamme de sa gorge de feu sans être la pale copie d'un David Coverdale trop souvent pompé.
D'autres morceaux de bravoure jalonnent Antigravity Sound Machine, entre le catchy "Background Radiation", et le lourd et bluesy "Another Bright Sunday" sur les premières secondes duquel plane l'ombre de Ritchie Blackmore et son Rainbow, l'émotionnel "Kassandra" et le très seventies et bien nommé "Space Mambo, zébré par un solo quasi funky du guitariste, seconde pièce maîtresse de cette attachante formation à côté de laquelle les amateurs de Rock tout court ne doivent surtout pas passer !
Dans un genre pourtant fortement empreinté, les Espagnols se payent le luxe de faire la nique aux plus grands. Bon Dieu, quel groupe !