Il est parfois des rencontres dont il parait évident qu’elles donneront un résultat hors norme. Prenez un groupe légendaire à l’histoire aussi tourmentée que Jefferson Starship dont le line-up, le style musical, et même le nom ont changé à de nombreuses reprises depuis 1965, et mettez-le entre les mains du label Gonzo Mutimedia, spécialiste des publications de collectors sous des formats aussi inattendus que surprenants. Vous imaginez le tableau ? Le résultat s’appelle "Tales From The Mothership", live enregistré dans le cadre du Roswell UFO Festival, lieu de rencontre de foules convaincues de l’existence de vies extra-terrestres, ce qui n’enlève rien à une ambiance digne de ’Rencontres du 3ème type’, bien au contraire !
Passons rapidement sur les CD 1 et 4 consacrés aux répétitions (CD 1) et balances (CD 4) ayant précédé ce concert du 3 Juillet 2009. Difficile effectivement de saisir l’intérêt de ces enregistrements voyant le groupe s’interrompre, commenter, réclamer plus de son par-ci et moins par-là, hésitant sur la mise en place de reprises, le tout avec un son à peine digne d’un document amateur. Il n’est même pas sûr que les fans ultimes y trouvent leur compte. Pourtant, en dehors des changements de disque et des cris épars d’un public lointain, on en viendrait à se demander à quel moment le véritable concert débute. En effet, le mixage est tout simplement pathétique, mettant le chant tellement en avant qu’il en devient parfois insupportable, en particulier lorsque Cathy Richardson pousse sa voix de façon aussi excessive qu’inutile.
Pourtant, la production catastrophique ne suffira pas à expliquer le calvaire que représente l’écoute intégrale de cette prestation live. Comment un groupe aussi légendaire peut-il oser balancer une telle performance ? La première partie du set prend une orientation plutôt folk, voire country, commençant dans une ambiance piano-bar avec les reprises d’artistes plus ou moins obscurs, avec comme seule accroche un commentaire amusé de Paul Kantner : "It’s like Halloween in July !" (on se croirait à Halloween en plein mois de Juillet !). Il faut attendre le 4ème titre, "This Land Is Your Land" de Woody Guthrie, pour entendre enfin de nouveaux instruments se joindre au chant et au piano. Malheureusement, ce moment laisse découvrir la soupe sonore qui va nous accompagner pendant… 33 morceaux ! Alternant les nombreuses reprises (Bob Dylan, Greateful Dead, Fairport Convention…) et les titres tirés, soit de la période Jefferson Airplane ("Crown Of Creation", "Get Together", "Wooden Ships"…), soit des extraits du récent "Jefferson’s Tree Of Liberty" (2008), cette première partie est loin de déclencher l’hystérie collective.
Plus orientée sur la période la plus faste du groupe, à savoir les 70’s, le second set enchaine les hits psychédéliques ("Have You Seen The Saucers ? ", "Have You Seen The Stars Tonight ? ", "Starship"…), les jams instrumentales enfumées aux accents jazz-rock ("Dark Star", cover du Greateful Dead, ou "(Paul Kantner’s) Science-Fiction Movie"), ainsi que les tubes rock du groupe (l’incontournable "Somebody To Love") ou les reprises de pointures telles que David Bowie ou Pink Floyd. Malheureusement, tout ceci se révèle désolant, tant par une mise en place plus qu’approximative ("Space Oddity" et le chant poussif de David Freiberg), soit par le chant insupportable de Darby Gould ("Brain Damage - Eclipse" est un véritable massacre en règle !) ou Cathy Richardson (quelqu’un aurait-il un pistolet laser pour la faire taire sur "Somebody To Love" à l’énergie non maitrisée ?), sans oublier le véritable foutoir qui s’aggrave à l’arrivée de chaque nouvel invité !
Voici donc un groupe légendaire qui s’étale de tout son long, aidé en cela par un label des plus sympathiques, mais qui, à force de vouloir favoriser la spontanéité caractéristique d’une époque, en finit par sortir des productions dont la qualité flirte avec l'inepte. Il est donc urgent pour Jefferson Starship de nous offrir quelque chose à la hauteur de son glorieux passé, car sur ce coup, les amateurs vont hésiter entre pleurer et se tordre de rire, et ceux qui feront connaissance avec le groupe à cette occasion ne risquent pas avoir envie d’aller plus avant dans leur découverte. Quant à Gonzo, il va falloir faire attention à ne pas mélanger fraîcheur et grand n’importe quoi !