Une des règles d'or du chroniqueur consiste à ne jamais se fier de manière définitive aux impressions ressenties lors de la première écoute d'une galette. Preuve en est une nouvelle fois donnée avec ce premier album d'Innerspace, jeune quatuor canadien qui aura bossé durant trois années à l'élaboration de ce concept, dont la critique, eut-elle été écrite à l'issue d'un seul parcours de ses dix plages, aurait été principalement à charge.
La raison principale de cette appréhension ? Une parenté plus que marquée avec la musique du grand Pink Floyd, référence certes revendiquée parmi d'autres, mais particulièrement prégnante tout du long des dix plages qui composent le concept de The Village. Outre les claviers à la Rick Wright et les harmonies vocales caractéristiques du groupe, de nombreux passages auraient trouvé leur place sur l'un ou l'autre des disques produits par le 'flamand rose', l'exemple le plus flagrant en étant Mister Mayor qui semble tout droit sorti d'Animals. De même, les rythmiques mid-tempo (pour ne pas dire moins) souvent très linéaires sur lesquelles se posent des vocaux à l'accent traînant renforcent cette impression de 'déjà entendu', l'analogie renvoyant même en l'occurrence fortement au premier album de RPWL, lui-même considéré à l'époque comme un clone (réussi) du quatuor britannique. Les similitudes se poursuivent encore dans l'utilisation de bruitages caractéristiques : impossible de passer à côté des rires et autres sonorités présentes sur On The Ride sans avoir une pensée pour The Wall ou The Dark Side Of The Moon.
Néanmoins, au-delà de ce mimétisme qui saute aux oreilles, Innerspace développe une véritable personnalité, en enrichissant le modèle pour peut-être mieux s'en démarquer. Ce sont tout d'abord des interventions de saxophone, ou encore la présence de cordes, qui viennent enrichir la palette sonore du groupe, mais aussi des chœurs féminins ou des passages instrumentaux qui apportent une dynamique nouvelle aux compositions en venant quelque peu rompre l'ambiance 'floydienne' (Wild Flower ou encore Slippery Case). Le tout se retrouve magnifié au sein de la dernière plage, Land Of Reason, où les Canadiens lâchent enfin les chevaux, comme libérés par la conclusion de leur œuvre, avec notamment une partie de basse dantesque.
Au final, et malgré une production qui gagnerait à un peu plus de clarté pour mieux mettre en valeur les multiples couches sonores, ce premier album plutôt facile d'accès, révèlera sa richesse au fur et à mesure des écoutes. Cependant, à l'image de ce que les Allemands de RPWL ont réussi sur la durée, on ne saurait que trop conseiller à Innerspace, certes de conserver ses références à l'esprit du Floyd, mais de s'en démarquer un peu plus nettement dans la forme pour ses futures productions.