A la fin des années 70, et malgré encore quelques belles réussites émaillant les albums High And Mighty ou Firefly, l'âge d'or d'Uriah Heep s'éloigne à grand pas, ce qui du reste, est le cas de la plupart des groupes de sa génération pour lesquels cette époque rime avec souvent avec érosion commerciale. Les Anglais courent alors après le succès et les tensions internes, qui se font de plus en plus vives entre eux, n'arrangement pas une situation difficile. Sans démériter, bien au contraire, John Lawton n'est pas accepté par les fans qui ne se remettent pas du départ de David Byron, que d'aucuns considèrent - à tort ou à raison - comme La voix du Heep, cependant que les tentatives d'évolution, d'exploration, ne sont pas non plus du goût de tous.
Habillé d'un très beau visuel, Fallen Angel est enfanté dans ce contexte peu propice à la réussite artistique. Pour autant, et s'il n'est pas une œuvre majeure du groupe, ce onzième album n'est pas sans qualité. Outre le fait que la patte de ses auteurs restent indélébile, ce qu'on a pu leur reprocher, ces chœurs qui sont une de leurs marques de fabrique paraissant déjà complètement dépassés en 1978 ("Save It"), il comporte une poignée de très bons titres qui témoignent que le combo en a encore sous la semelle, est encore vie, affirmation qui peut se lire en filigrane d'un morceau tel que "I'm Alive".
Le rapide "Woman Of The Night", sur lequel brille un John Lawton, dont Fallen Angel est la troisième et dernière collaboration avec le groupe et qui n'a franchement pas à rougir de la comparaison avec son prédécesseur, "Put Your Lovin' On Me", lent et zébré d'un bon solo du père Mick Box, ou la ballade "Fallen Angel" n'entachent absolument pas le répertoire des Britanniques, tandis que le meilleur titre du lot demeure le surprenant "Wad' Ya Say", pièce remuante quasi-disco emportée par une rythmique hypnotique de la paire Trevor Bolder (Basse) / Lee Kerslake (batterie).
Comme ce fut déjà le cas sur les disques précédents, d'autres compositions se révèlent moins mémorables bien que sauvés par les lignes vocales chaleureuses du chanteur. Citons "Come Back To Me", "Love Or Nothing", toutefois rehaussé du jeu nerveux du guitariste, ou "One More Night (Last Farewell)" qui illustre ce qui aura toujours séparé Uriah Heep d'un Queen tout simplement au-dessus du lot et avec lequel on l'a souvent comparé.
A l'arrivée, Fallen Angel étonne par sa fraicheur et mérite d'être redécouvert car, osons le dire, il n'est pas loin de se hisser au niveau d'un Wonder Wonderland ou d'un Return To Fantasy. Il se soldera néanmoins par un échec commercial cuisant, précipitant encore davantage ses auteurs dans la tourmente, laquelle culminera avec les départs de Kerslake, puis surtout de Ken Hensley sans lequel le Heep ne peut être tout à fait le même...