Formé en 1973 à Adélaïde, Cold Chisel a vu son line-up évoluer durant ses premières années d'existence, devant souvent faire face aux caractères trempés de son chanteur Jimmy Barnes, écossais d'origine, et de son batteur Steven Prestwich, venant de Liverpool en Angleterre. Après quelques allers-retours de son vocaliste, parti, entre-autres, remplacer Bon Scott au sein de Fraternity suite au départ de ce dernier pour AC/DC, le quintet fini par se fixer à Sydney où il est repéré par le label Warner et réussi enfin à enregistrer son premier album dont les titres, composés dans leur intégralité par le claviériste Don Walker (seul "Juliet" est coécrit avec Barnes), ont largement eu le temps d'être rodés sur scène, lieu de prédilection du groupe.
Produit par Peter Walker, et illustré par une image de Mickey Braithwaite, épouse du célèbre chanteur aussie, Daryl Braithwaite, cet opus éponyme est un véritable concentré des qualités du rock australien au sens large du terme. Orchestré par Don Walker et enrobé par ses différents claviers, propulsé par la rythmique fine, technique et dynamique du duo Phil Small / Steve Prestwich, et magnifié par les éclairs guitaristiques de Ian Moss et le chant écorché et puissant de Jimmy Barnes, le rock de Cold Chisel explore des territoires allant du jazz au hard-rock avec une cohérence étonnante et jamais mise à défaut. Même les deux titres chantés par Ian Moss (le guitariste a pris l'habitude de remplacer Barnes derrière le micro à chacune de ses absences) ne nuisent pas à l'unité de l'ensemble, même si sa voix se fait plus douce, ce qui n'est pas sans apporter une chaleur supplémentaire à la ballade "Rosaline", mid-tempo jazzy étoffé par un superbe solo de saxophone de Wilbur Wilde.
Si le single "Khe Sanh", du nom d'une bataille de la guerre du Vietnam, traitant du retour des vétérans de ce conflit, se fait à la fois accrocheur et émouvant sur un rock-country enrichi d'un harmonica, tous les titres méritent que l'on s'y attarde. Le rock'n'roll est souvent direct et efficace, comme sur "Juliet" ou un "Home And Broken Hearted" au refrain immédiat et au solo flirtant avec le Hard-Rock, à l'image d'un "Daskarzine" mélangeant une ambiance obscure, des soli d'orgues rappelant les Doors et des guitares hendrixiennes. Comme sur ce titre, le blues est présent dans sa composante la plus rock avec un "Northbound" au refrain scandé et à l'énergie communicative. Enfin, Cold Chisel sait également faire preuve de délicatesse dans une ambiance souvent jazzy qui se développe sur plus de 7 minutes à l'occasion d'un "One Long Day" ondulant avec classe et sur lequel Ian Moss caresse sa guitare et se fait émouvant au chant. "Just How Many Times" vient clôturer l'ensemble dans une ambiance de fin de soirée dans un bar enfumé, calme et mélancolique.
Cold Chisel frappe fort avec un premier album sur lequel il dévoile toutes ses qualités, une personnalité déjà fortement affirmée, et une énergie communicative. Comme plusieurs formations de cette époque, son art s'appuie sur l'équilibre précaire de caractères bien trempés réussissant à cohabiter tant bien que mal pour mettre en commun leurs talents hors norme. Une légende est née !