Pour son premier opus, le groupe israélien Stormy Atmosphere se lance dans un genre à haut risque : le progressif teinté de metal et à tendance lyrique. Comme il ne manque pas d’adversaires pour souligner le côté volontiers grandiloquent, voire pompeux de certaines productions prog' (cf. quelques réalisations de Rick Wakeman dans les années 80, suffisamment éloquentes en la matière), la gageure mérite d’être saluée.
Le sextet évolue avec deux vocalistes dont une chanteuse avec un timbre rappelant celui d’Agnieszka Swita (Caamora). La tonalité de “Color Blind” n’est d’ailleurs pas sans rappeler certaines productions de Maître Clive Nolan, avec ce côté plutôt symphonique, ici plus metal, avec une section rythmique très à son affaire. Ces influences sont bien assimilées, avec de belles variations d’ambiances et d’orchestration : cette variété dans le propos est d’ailleurs le coté le plus sympathique de la musique de Stormy Atmosphere, les idées fusant en tous sens. Mais c’est aussi un facteur limitant, ce côté chien fou donnant parfois des titres qui peuvent manquer d’homogénéité (‘Awaken’). Quand le discours est plus canalisé, il donne lieu à des titres réussis (‘Fifth Season’, avec ses excellents passages instrumentaux), mais évidemment moins originaux.
Pour certains auditeurs, une autre retenue sera observée sur la voix. Placer le chant féminin (et parfois, dans une moindre mesure, le chant masculin : ‘Conspiracy I’) sur un registre lyrique est un exercice aussi audacieux qu'exigeant. Et force est de reconnaître que Dina Shulman, qui chante très juste et avec un joli filet de voix, n’a pas la carrure vocale (manque de puissance, pas assez de caractère) pour s’imposer dans certaines séquences (les vocalises de ‘Conspiracy II’ ou les arrière-plans de 'Awaken', par exemple). Cela donne des passages à la limite du précieux, pas très adaptés au ton symphonique et parfois métal du reste de l’opus.
Cela n’enlève rien au fait qu’avec ses nombreuses variations et trouvailles mélodiques, ‘Colour Blind’ reste un ouvrage prometteur, techniquement bien en place mais musicalement un peu trop ébouriffé ! Il reste maintenant à savoir quelle sera la bonne direction à prendre, celle qui emportera l’adhésion inconditionnelle de tous. Quitte à forcer le trait (il serait dommage de se réfugier dans de confortables lieux communs), l’orientation lyrique est peut être la bonne, avec un travail sur les voix, pour trouver un ton plus étrange, avec plus de profondeur. La plante est prometteuse mais demande encore à être élaguée et tuteurée afin que les meilleures pousses s'en dégagent !