Après des années 80 triomphantes et une série impressionnante de cinq disques, tous devenus des classiques du thrash, Kreator est rentré difficilement dans cette nouvelle décennie. "Renewal" n'a pas été compris et a été un échec assez retentissant pour la formation allemande. Cet échec n'est pas sans conséquence puisque la section rythmique quitte le navire, et le départ de Ventor et Rob Fioretti est un coup rude pour un groupe assez stable jusque là. "Cause For Conflict", 7ème opus du gang de Petrozza, va porter admirablement son nom tant il va voir Kreator partir en guerre, cherchant à livrer bataille aux fans qui l'ont délaissé, et surtout à la nouvelle génération power thrash, de Sepultura à Machine Head, en passant par Pantera, qui lui fait concurrence. De fait, il va proposer l'album le plus brutal de sa carrière, délaissant en grande partie les expérimentations récentes pour revenir à un thrash brutal et incisif, très peu mélodique, ne cherchant qu'à faire mal à l'auditeur. Mais le cœur n'y est pas vraiment: Mille semble se forcer et donner à ses fans et à son nouveau label ce qu'ils ont envie d'entendre. La colère du chanteur est réelle mais l'album manque de temps forts, ne possède pas de très grands titres et s'avère même souvent répétitif. Kreator évolue en fait dans un créneau qui n'est pas le sien et cela s'entend.
Avec des chansons comme "Prevail", "Progressive Proletarians", "Hate Inside Your Head", ou encore "Celestial Deliverance", on retrouve un groupe parfois proche du death-metal mais sans imagination. L'ensemble bourrine, castagne mais sans la classe et l'intelligence d'écriture qui faisait la force de Kreator dans ses années glorieuses. En fait, tout cela est bien maladroit et manque cruellement de variations. Le groupe ose même des titres très courts, "Bomb Threat", "State Opression" et "Dogmatic", qui ne lui vont pas du tout tant cela est côté de la plaque avec des sons modernes médiocres et une brutalité, certes au rendez-vous, mais assez forcée et artificielle. Il n'y a rien à redire au chant d'un Petrozza enragé comme jamais, ni sur le son particulièrement soigné du disque. De plus, Cangelosi est effrayant de puissance à la batterie. Mais cela ne sauve pas cet opus de ses errements artistiques ni de sa volonté absurde de relier les modes musicales du moment. De plus, les paroles engagées de Petrozza sont assez lourdes et manquent de finesse, sombrant aux limites de la caricature.
Au final, il ne reste pas grand-chose de cet album: "Lost" tire son épingle du jeu en sortant du schéma purement bourrin assez usant grâce à un bon refrain, un chant plus écoutable et surtout un rythme musical un peu plus varié, retrouvant une certaine inspiration. "Crisis Of Disorder" montre un thrash plus classique, pas forcément le meilleur du groupe, mais avec des passages plus posés qui font du bien. Enfin, "Isolation" est un retour en grâce: il retrouve ce qui fait la force de Kreator avec un début lent et sombre et une large recherche mélodique. A lui seul, il fait valoir l'écoute du disque car on sent que c'est bien là que se situe l'avenir musical de Kreator.
Malgré cela, "Cause For Conflict" est une cruelle déconvenue de la part d'un groupe qui n'avait encore jamais déçu ou reculé. Il est clairement un disque rageur, une sorte de doigt d'honneur fait à son label et même à ses fans en leur servant en quelque sorte la soupe qu'ils veulent. Kreator fait comprendre qu'il veut être libre et évoluer à sa guise, mais seule la suite des aventures de Mille et sa bande dira si ce message sera entendu.