Paul Gilbert fait partie de ces surdoués aussi à l’aise dans la maîtrise de sa guitare que derrière un micro. Il a prouvé au début de sa carrière solo, avec King Of Clubs, qu’il savait s’émanciper de Mr.Big pour composer seul des chansons légères et terriblement mélodieuses sans jamais renier un côté burlesque bien assumé. Malheureusement, la qualité n’a pas toujours été au rendez-vous par la suite, que les albums soient instrumentaux ou mixtes, et les derniers mois qui ont vu la reformation du culte Mr.Big ont donné envie au Californien de prendre une nouvelle fois la plume. Vibrato est le douzième album de Gilbert en quatorze ans et il suit un Fuzz Universe difficile d’accès et très démonstratif.
Vibrato prend le contre-pied parfait de Fuzz Universe avec huit compositions jamais ennuyeuses. Paul Gilbert a trouvé la formule idéale avec une œuvre de stricte parité, alternance de quatre instrumentaux et quatre chansons. De plus, les thèmes musicaux de cet album sont si riches et diversifiés que la surprise surgit à chaque nouvelle piste. Point de métal dans ce Vibrato mais de la soul, du jazz et de la fusion dans un enrobage rock parfaitement dosé.
Les quatre compositions chantées se placent aussi bien dans l’esprit des premiers albums de Gilbert, quand la légèreté et la mélodie étaient la norme ("Enemies (In Jail)" et "Vibrato"), que dans la chaleur du blues et de la soul. "Bivalve Blues" et "Atmosphere On The Moon" sont des chansons lumineuses qui laissent entendre toute la classe dont Paul Gilbert sait faire preuve. La première est un blues passionnant qui rappelle autant Led Zeppelin que Gary Moore et dont les soli, de clavier pour madame et de guitare pour monsieur, sont très justes. La seconde est une mid-tempo soul aux chœurs de refrains inspirés.
Emmenés par une section rythmique polyvalente (Thomas Lang sait tout jouer !) et le clavier aussi bien vintage que classique d’Emi Gilbert, les quatre instrumentaux sont, eux aussi, variées et captivants. "Rain And Thunder And Lightning" et "Put It On The Char" sont des démonstrations fusion et rock de l’inspiration foisonnante et éclectique de Gilbert, et "The Pronghorn" est un exercice de style dont l’analogie avec la vélocité et la cadence de l’antilope qui donne son nom au morceau, est éclairante. Enfin, la relecture du "Blue Rondo A La Turk" de Dave Brubeck est un excellent hommage qui a toute sa place dans ce disque, entre respect du classicisme et remaniement personnel.
Le signe qui fait de Vibrato un grand album est qu’il parait trop court car filant à vive allure. Si les trois titres live qui viennent s’y annexer arrivent à faire durer le plaisir, c’est pour les bonnes raisons qu’ils sont parfaitement choisis pour leur qualité d’exécution (mention spéciale au dantesque "Roundabout" de Yes) et leur diversité qui colle au reste de l’album. Paul Gilbert a mis dans cet album une sagesse, une classe et une maturité qui rayonnent à chaque seconde, faisant de Vibrato un disque aux charmes multiples et irrésistibles.