Avec "Outcast", Kreator a surpris tout le monde et montré un nouveau visage plus mature, sage et mélodique. Ce faisant, il a logiquement créé une rupture avec certains fans nostalgiques mais a ravi ceux enchanté de le voir évoluer et se transformer ainsi musicalement. Pourtant, "Outcast" n'était que le début. Les fans n'avaient encore rien vu et "Endorama" va repousser bien plus loin les frontières de l'expérimentation et de l'ouverture artistique de Petrozza, Ventor, Giesler et Vetterli. Les 4 musiciens vont ainsi aller au bout de leur démarche, oubliant complètement le thrash pour proposer un métal gothique sombre et mélodique avec pas mal d'influences bien loin de leurs habitudes, entre indus, dark et new-wave, avec passages au piano et samples. Le tout est dominé par un Vetterli très à l'aise dans ce genre, dont la guitare fait merveille tout le long de l'album, qui a écrit la plupart des titres avec Petrozza et produit l'ensemble.
Il en résulte un album surprenant, envoutant et emprunt d'une mélancolie et d'une tristesse d'une belle et rare profondeur. Habilement, le groupe a placé tout au début les titres les plus proches de son passé. Il y a d'abord "Golden Age" qui est assez métallique, le rythme y est assez soutenu et Mille chante de manière puissante sur un excellent refrain fédérateur tandis que sur les couplets, il est nettement plus posé et amène doucement au voyage musical qui attend l'auditeur. Il y a ensuite "Endorama", magnifié par la voix de Tilo Wolf, leader de Lacrimosa, qui ne conserve que quelques voix rugueuses et propose de nouveau un refrain d'une belle efficacité, le tout dans une ambiance gothique enchanteresse. Enfin, "Shadowland" est le morceau le plus proche du thrash d'antan, rapide et puissant avec d'excellent riffs et soli de Vetterli, et juste un refrain plus posé.
Le voyage débute complètement avec "Chosen Few": à partir de ce morceau, Kreator s'échappe complètement et se fait mortellement séduisant, Mille chantant sa tristesse avec une douceur mélancolique très prenante. Ainsi, "Chosen Few" et "Everlasting Flame" sont de très belles chansons de rock gothique, légèrement métalliques avec de très belles mélodies, tandis que "Passage To Babylon" retrouve par instants un chant plus rugueux mais balance musicalement entre rythmes wave et pop-rock, notamment sur un refrain d'une froide beauté. En deuxième partie, on retrouve un titre de métal plus classique avec "Future King" avant qu'avec le court "Entry", Kreator ne concurrence directement Paradise Lost sur son terrain. Cet état de fait se confirme avec un "Willing Spirit" presque dansant, assez groovy et qui aurait eu sa place sur le "One Second" des Britanniques. Enfin, "Pandemonium" et "Tyranny" se placent eux aussi dans cette veine rock métal gothique, peut-être pas avec la même efficacité qu'au début mais avec quand même de très belles mélodies et un excellent travail de Giesler à la basse donnant aux chansons un aspect groovy assez irrésistible.
"Endorama" reste un disque à part dans la discographie de Kreator, tant il est différent en osant franchir les barrières musicales. En étant très à l'aise dans ce style musical, le groupe allemand frappe un grand coup et se montre audacieux et courageux. Il reste à présent à voir si les fans vont suivre ce chemin alors que tant d'autres ont échoué dans cette volonté d'évolution, tant et si bien que cette aventure parait bien périlleuse. En attendant, il ne faut pas passer à côté de ce disque, véritable melting-pot musical et passerelle entre les scènes d'une rare intelligence.